Talmud Torah des parents : Épisode 12
Et si on utilisait les bons mots ? Palestine : Histoire et géographie d’un nom – épisode 11 : la Nakba (4)
Le Talmud Torah des parents par Emmanuel Calef, directeur pédagogique des Talmudei Torah de JEM.
La « Nakba » a un succès médiatique et populaire mondial, et pourtant nous avons vu que la situation historique qui avait conduit à un échange de population entre Israël naissant et les pays arabes était bien plus complexe que ce que les divers narratifs pouvaient laisser entendre.
Que sont devenus les réfugiés de 1948 ? Pourquoi presque 80 ans plus tard on continue d’employer des expressions comme “camp de réfugié” pour cette région alors que le mot a totalement disparu pour les autres déplacements de population des XIX° et XX° siècles ? Comment et pourquoi le mot de « Nakba » a-t-il eu autant de succès ?
Le problème de l’UNWRA
De tous les groupes humains ayant souffert des conflits et des déplacements de populations, seuls les arabes de Palestine Mandataire ont leur agence de l’ONU spécialement dédiée : l’UNWRA. En 1949, l’Assemblée Générale de l’ONU établit (via la résolution 302 (1) ) 2 agences différente pour s’occuper des réfugiés : une spécialement dédiée aux réfugiés de Palestine Mandataire (UNWRA), et une pour… tous les autres réfugiés du monde (UNHCR). Au contraire du HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés) de l’ONU, l’UNWRA n’a pas pour mission de réinstaller les personnes dont elle s’occupe (ce qui peut paraître surprenant), mais uniquement de les « servir », les maintenant donc de facto dans un état de réfugiés éternels (https://www.unrwa.org/who-we-are/frequently-asked-questions).
Le terme « réfugié » pour la Palestine est défini officiellement depuis 1952 comme :
« any person whose « normal place of residence was Palestine during the period 1 June 1946 to 15 May 1948 and who lost both home and means of livelihood as a result of the 1948 conflict. » Palestine refugees are persons who fulfil the above definition and descendants of fathers fulfilling the definition. »
Le HCR a progressivement traité avec succès d’abord les réfugiés de la Seconde Guerre Mondiale, puis les réfugiés hongrois après l’invasion soviétique de 1956, puis ceux de la guerre d’indépendance algérienne, puis des crises en Asie, Amérique latine, Afrique sub-saharienne, avant de revenir en Europe pour aborder la crise des Balkans dans les années 1990. L’immense majorité de ces groupes de réfugiés ont pu reconstruire leur vie grâce à l’aide du HCR, soit par rapatriement, soit par réinstallation.
Quid de l’UNWRA pourtant entièrement dédiée à une seule population de réfugiés ?
L’UNWRA emploie 27000 personnes d’après Wikipédia, plus de 30000 d’après le site web de l’agence, qui se décrit elle-même comme « un des plus gros programmes de l’ONU ». Par comparaison le HCR emploie environ 7000 personnes. L’UNWRA s’occupe d’une population de réfugiés qui avoisine les 5 millions. Par comparaison le HCR a géré environ 34 millions de réfugiés à travers le monde entier.
D’après Shmuel Trigano (2), l’UNWRA avait « englouti, jusqu’en 1986, 2 939 774 915 dollars, un montant auquel les États arabes ont très peu contribué… », En 2022, le budget de l’UNWRA était d’1,17 milliard de dollars (3).
A suivre..