TT des parents : Et si on utilisait les bons mots ? Épisode 3

7 décembre 2023

Et si on utilisait les bons mots ? Palestine : Histoire et géographie d’un nom – Episode 3 du Talmud Torah des parents dispensé par Emmanuel Calef, directeur des programmes des Talmudei Torah de JEM.

Dans les deux derniers épisodes, nous avons découvert les sources antiques du mot «Palestine».  Chez quelques auteurs antiques le mot désigne une zone géographique (ni un pays, ni une nation, ni une division administrative, ni un peuple) correspondant pour la plupart d’entre eux à ce qui est aujourd’hui la bande de Gaza. La zone plus globale est cependant surtout appelée Judée à l’époque et fait partie d’une grande région appelée Syria ou Coele-Syria.

Cependant en aucun cas, le mot n’est une désignation officielle ni même majoritaire : il faut attendre le milieu du 2ème siècle de notre ère pour que le mot Palestine devienne pour la toute première fois l’appellation officielle de la province, dans l’objectif avoué de nier tout lien avec le peuple juif que l’Empire Romain vient de massacrer et chasser de Jérusalem après 3 révoltes.

A partir de ce moment-là, ce petit bout de terre s’appelle officiellement Syria Palæstina, province romaine faisant partie de la région administrative de Syrie. Le nom « Judée » restera cependant encore longtemps comme en attestent de nombreux écrits et documents même officiels de l’Empire Romain.

Les guerres, conquêtes et changements administratifs successifs amènent les empereurs suivants à découper la province en plusieurs territoires : Palaestina PrimaPalaestina Secunda puis, quand l’Empereur Dioclétien y adjoint les terres de la province d’arabie, une troisième division appelée Palaestina Salutaris bientôt renommée Palaestina Tertia. Jérusalem, renommée Aelia Capitolina, n’est pour les romains qu’une petite ville secondaire sans importance.

La christianisation de l’Empire romain et sa division en Empire Byzantin n’amènent que peu de changements. C’est en revanche une période d’intense activité intellectuelle pour la diaspora juive dans tout le Moyen-Orient. Naissent notamment à cette période la Michna et les deux Talmud : de Babylone et de Jérusalem (bien qu’il n’ait pas été rédigé à Jérusalem, mais dans les diverses académies juives en… Palestine).

Après la conquête arabe du 7ème siècle, les nouveaux maîtres de la région conservent les divisions administratives, avec des nouveaux noms : Paleastina Prima devient… Filastin et Paleastina Secunda devient Urdunn, un nom qui annonce déjà le nom de «Jordanie». La division entre Palestine et Jordanie de l’époque n’est pas, comme aujourd’hui « verticale » Nord-Sud mais « horizontale » Est-Ouest. Dans l’usage arabe médiéval Filastin et Urdunn sont des sous-districts intégrés dans l’entité géographique et administrative nommée Syrie ou, en arabe, « la terre de Sham ».

Jérusalem, qui apparait dans les premiers écrits arabes sous son nom romain d’Aelia (!!), n’est pas une ville où siègent les administrations gouvernementales provinciales ni mêmes de district.

Sous les règnes Romain, Byzantin et Islamique la « Palestine » est politiquement et administrativement dissoute et n’a pas d’existence propre. Ce n’est qu’avec l’arrivée des croisés, au tournant du 12ème siècle de notre ère, qu’elle va réapparaître.

Mais ça… c’est pour le prochain épisode.