Ep1 – Journal de bord jeunesse : Retour d’Israël

28 mai 2024

De retour d’Israël, Paul Bendavid, responsable du mouvement jeunesse de JEM Rimonim, raconte son séjour en Israël avec le FSJU Volunteer et Israël Expérience. Découvrez son « Journal de Bord » !

Le pogrom survenu lors de la fête de Sim’hat Torah a déclenché une onde de choc au sein de la communauté juive française. Nous peinons encore à trouver les mots pour exprimer les sentiments contradictoires que nous avons éprouvés dans les semaines qui ont suivi. En France, un sentiment d’impuissance s’est rapidement installé, nous poussant à nous mobiliser avec le FSJU pour collecter des fonds en faveur d’Israël et organiser des envois de colis. Nous avons multiplié nos actions pour défendre et soutenir Israël.

Notre collaboration avec le département jeunesse du FSJU nous a amenés à participer à un volontariat du 19 au 26 mai. Cette opportunité nous a permis de rendre service, d’aller à la rencontre de la société israélienne et de consolider les liens avec notre partenaire, le FSJU.

Dimanche 19 mai

Tôt dimanche 19 mai, nous nous sommes levés heureux et excités de pouvoir partir en Israël pour aider le pays. Oren, Sarah et moi sommes partis depuis Orly pour arriver en début d’après-midi à l’aéroport Ben Gourion. Nous fûmes accueillis par la chaude humidité de Tel-Aviv dans un étonnant calme. L’aéroport était quasiment vide et les routes nous reliant de l’aéroport à notre AirBnB étaient presque désertes. Une fois arrivés dans le quartier où nous résidions, à Florentine, nous avons déambulé. Sous la paisible apparence de la ville, nos regards se sont posés sur les visages des otages collés sur chaque poteau, sur tous les murs, sur les portes, et les devantures des épiceries. Entre un vendeur de textile et un restaurant, le nom, le prénom et l’âge d’un otage. C’est à Tel-Aviv, à proximité du centre massorti Scherter, que nous avons rencontré deux réservistes israéliens avec qui nous avons pris un café. Ces échanges nous ont donné un avant-goût de la société israélienne. De nombreux sujets ont été évoqués : la guerre à Gaza mais aussi à la frontière libanaise, la situation politique ainsi que les choses du quotidien. La capacité de résilience des Israéliens est d’emblée impressionnante. Loin des longues tirades ou des grands discours, c’est dans leur choix de la vie, de la protéger et de la conserver que les Israéliens nous enseignent.

Après ces discussions, nous avons longé la plage : certains faisaient leur footing, d’autres se baignaient ou prenaient un cocktail en terrasse comme si rien ne se passait à quelques kilomètres au Nord comme au Sud. La tranquillité de l’air ambiant nous a marqués : la guerre n’est pas éclipsée, elle est là, présente et rappelée par la présence d’affiches ou de stickers. Elle est là, et malgré cela, les gens vivent. Parce que cette guerre est une guerre pour la vie : celle des Israéliens, celle d’un État pour les juifs, celle d’une démocratie.

De retour à l’hôtel, nous nous sommes présentés les uns après les autres. Les participants au volontariat étaient d’âges et d’origines différentes, rassurant nos appréhensions concernant le groupe. Notre madrih, John, est un jeune olim, qui a fait deux fois cinq mois d’oulpan intensif. Il a pour mission, durant le voyage, de nous encadrer et de nous guider dans le volontariat. Élie, le responsable de Taglit France pour Israël Expérience, est quant à lui responsable du programme. Après une première version envoyée sur WhatsApp quelques jours plus tôt, il précise le programme et nous rappelle les règles de sécurité. Ce moment est idéal pour commencer à découvrir les autres membres du groupe, et aussi pour obtenir des précisions sur le voyage.

Lundi 20 mai

Après une nuit à dormir dans un lit plus petit qu’une rampe d’escalier, nous avons pris notre petit déjeuner avec les autres participants dans la salle collective de l’Airbnb. Tamara s’est installée dans la petite cour pour faire la tefilat chaharit avec les tefilines et le talit. Derrière ses deux grosses lunettes, les yeux rivés sur son siddour, son corps oscillait et sa tête dodelinait. Il fallait avoir le courage de le faire et la sagesse de ne pas réagir aux commentaires. Tamara semblait baignée de sérénité et de confiance. Ni politique, ni militante, cet acte était pour elle un acte quotidien mais malgré elle, l’écho qu’il a suscité a permis d’ouvrir la discussion. En tant que bon juif religieux que je suis, je buvais mon café charor et je bavardais avec les participants qui étaient dans la salle du petit déjeuner. J’entendais les réflexions et les commentaires sur Tamara. Malgré elle, elle avait ouvert une brèche. Après ce temps, nous nous sommes mis en route vers Beit Shemesh pour notre premier volontariat. Le trajet en bus nous a permis de connaître davantage certains participants. Il y avait plusieurs tranches d’âge : aussi bien des étudiants que des jeunes actifs issus de milieux différents : traditionalistes, plus ou moins religieux voire non-affiliés.

Beit Shemesh est une grande ville au centre d’Israël dans laquelle se trouve l’un des principaux entrepôts de l’association israélienne : Latet. Fondée par Gilles Darmon, un olim français, elle a pour but de lutter contre la pauvreté et notamment “l’insécurité” alimentaire. L’organisation est tellement importante en Israël que 76% des Israéliens la considèrent essentielle dans la lutte contre la réduction de la pauvreté. Par ailleurs, c’est une association qui a un partenariat avec le FSJU.

Lorsque nous sortons du bus, une des responsables de Latet nous présente l’association et nous expose notre mission. Pendant une matinée, nous allons devoir déballer des colis alimentaires, les trier suivant les catégories indiquées et les remballer. Ce travail laborieux est très utile puisqu’il facilite la gestion des stocks et donc des envois aux familles. Il permet aussi d’avoir une idée de ce qui est contenu dans l’entrepôt. Ce premier bénévolat nous a contraints à travailler en équipe mais aussi à mettre en place des stratégies pour être le plus efficace possible.

 

“Un sentiment de responsabilité nous poussait à nous dépasser.”

Lorsque nous sommes sortis du hangar, le paysage boisé et vallonné nous faisait face. La chaleur écrasante et le vent chaud nous collaient à la peau. Nous avons repris les bus qui nous semblaient très frais et nous sommes descendus dans le grand centre commercial de Beit Shemesh. Tout de suite, j’ai été surpris : beaucoup d’hommes portaient le chapeau noir et les femmes les perruques, et dans cet espace de modernité coexistaient deux mondes : celui des religieux et celui des laïcs. J’ai vite compris que Beit Shemesh était devenue une ville religieuse. Nous n’y sommes pas restés et pour l’après-midi, nous sommes retournés à Tel-Aviv.

Avec une partie du groupe, nous sommes allés Place des Otages, à côté du musée de l’Art, pour ne pas oublier, pour écouter et pour soutenir les familles. Les œuvres produites et exposées sur la place sont impressionnantes. Certaines sont monumentales comme la reproduction d’un tunnel avec les photos des otages et le son de la guerre. D’autres sont effrayantes comme celle sur le festival Nova. Les visages des otages sont partout. Nous nous laissons porter au gré des œuvres et dans des tentes, des familles parlent, témoignent, expliquent leur désespoir, leur détresse. Toujours avec une grande dignité. Nous nous arrêtons et grâce à une personne hébraïsante dans le groupe, nous écoutons un témoignage. Un témoignage indescriptible. Nous ne pouvons pas réellement comprendre les sentiments qui assaillent cette jeune mère. Nous ne pouvons offrir que de l’empathie et une émotion nous hante : une triste colère. Cette drôle de sensation nous oblige à être utiles pour ces familles et pour tous les otages, pour cette société israélienne qui ne tient que grâce au tissu associatif, à la solidarité et aux initiatives individuelles. Alors que le soleil se couche, nous regrettons déjà de ne pas avoir pu en faire plus.

En début de soirée, nous nous retrouvons dans la salle de vie. Nous nous installons sur des canapés, d’autres sur des chaises de jardin. Nous sommes plus d’une trentaine et Erez, un guide et historien, vient pour faire une conférence. L’objet de la conférence vise à comprendre les origines du conflit. Cartes, archives et chiffres à l’appui, Erez avance date après date sur l’histoire d’Israël. Certains dont moi posent incessamment des questions, d’autres déçus ferment les yeux ou ouvrent leur téléphone. Pour que nous puissions tous le suivre, Erez essaie de simplifier sans fermer la porte à la nuance. À la fin de la conférence, certains restent et poursuivent le débat, d’autres sortent un peu déçus qu’il n’ait pas fait de hasbara mais de la géopolitique. Comprendre sa situation est pourtant fondamental pour que nous puissions ensuite faire la hasbara, sinon nous devenons des perroquets ignorants. La suite de la soirée, l’équipe jeunesse s’éclipse pour manger un barbecue avec des Israéliens. Sur le toit d’un appartement, autour de brochettes de viandes, nous débattons de la situation en Israël : plus de 100 000 Israéliens déplacés du Nord et du Sud à cause de la guerre et une aide auprès de ces populations qui ne vient pas.

En les quittant, un nouveau sentiment m’habite : Israël ne tient que par Tsahal, l’État est profondément désorganisé et la société profondément divisée. L’unité d’une société qui ferait bloc est une illusion.

Paul Bendavid