Ep4 – Journal de bord jeunesse : Retour d’Israël

6 juin 2024

De retour d’Israël, Paul Bendavid, responsable du mouvement jeunesse de JEM Rimonim, raconte son séjour en Israël avec le FSJU Volunteer et Israël Expérience. Découvrez l’épisode 4 de son « Journal de Bord » !

Jeudi 23 Mai

Certains matins, il est préférable de se lever tôt pour profiter de la fraîcheur de l’air. Ce jeudi, nous partions faire du volontariat dans une coopérative agricole au sud d’Ashkelon, près de la frontière nord de Gaza. Les présentations furent brèves : nous étions dans une serre, et notre mission consistait à cueillir et sélectionner les choux. Si j’en avais déjà eu dans mon assiette, je n’avais jamais vu de culture de choux. En traversant les serres, nous observâmes toutes les étapes de l’évolution de ce légume. Après quelques rapides minutes d’explications, munis d’un couteau, nous nous mîmes à la tâche, coupant et récoltant les choux avec soin. Plusieurs milliers de choux furent récoltés. Plus tard, l’agriculteur nous narra son histoire : ancien agriculteur à Goush Katif, il a été contraint de partir en 2005 pour s’installer à Ashkelon. Goush Katif était un bloc d’implantations juives dans le sud-est de Gaza. Malgré les années (presque 20 ans), c’est avec une grande nostalgie qu’il parle de ce temps et avec fatalisme semble nous dire que ça n’a servi à rien d’arracher les Juifs qui vivaient là-bas, ils n’ont ni eu la tranquillité, ni la paix… Il a toujours travaillé avec des Arabes et notamment des Palestiniens, mais depuis Sim’hat Torah, il est privé de main-d’œuvre ; c’est avec les derniers salariés restants et avec des groupes de volontaires qu’il réussit à tenir. Toutes nos certitudes semblent encore une fois ébranlées. Les positions péremptoires des uns et des autres semblent à mille lieues de la réalité. 

L’après-midi, nous retrouvâmes Yossi, notre guide, à Sderot. Depuis les hauteurs de la ville, nous avions une vue directe sur Gaza. Sderot est une ville frontalière. La discussion avec Yossi porta sur le contexte actuel du conflit, offrant des éléments factuels pour la hasbara, l’art de l’explication et de la défense de la politique israélienne. Sa passion et sa connaissance des enjeux étaient palpables, rendant la conversation aussi instructive que poignante. Après quelques éléments géopolitiques sur l’histoire de Gaza, nous nous promenâmes dans la ville : elle a été essentiellement bâtie par des Juifs mizrahi : Kurdes mais surtout Marocains. Les populations juives séfarades ont souvent été placées dans les zones frontalières avec les Arabes, pour construire une ceinture sécuritaire. Nous négligeons souvent l’apport des Mizrahim dans le sionisme : le rôle du premier Yichouv a participé activement à la renaissance du sionisme culturel et nous parlons trop peu du courage de ces Juifs marocains pionniers dans la construction de villes et villages autour de Gaza ou près de la Cisjordanie. Lorsque des roquettes du Hamas tombent en Israël, ce sont d’abord ces populations qui sont en danger. 

À Sderot, nous visitâmes les ruines d’un commissariat, où Yossi nous raconta des histoires personnelles des policiers, témoignant du 7 octobre. Les terroristes s’étaient emparés du commissariat pour en faire un point de contrôle. C’est depuis ce commissariat qu’ils voulaient prendre le contrôle de la ville. Mais dans leur folie meurtrière, ils finirent par s’effondrer avec le bâtiment. 

“Sderot est aujourd’hui une ville vidée d’une partie de ses habitants, pour combien de temps ? ”

La visite se poursuivit au « cimetière des voitures », un lieu sinistre où sont entreposées les carcasses de véhicules détruits. Yossi expliqua que ces voitures avaient emprunté l’unique route attaquée par les terroristes, symbolisant la fragilité et le danger omniprésents dans cette région. Sur les capots des voitures, des impacts de balles, des traces de lutte…  

Enfin, nous nous rendîmes sur le site de Nova, lieu de mémoire empreint d’émotion. Là, Yossi nous conta des témoignages poignants, des histoires de vie et de mort qui donnaient un visage humain à ce pogrom interminable. Ces visages et ces noms, sur le lieu même du massacre, nous plongèrent dans l’abîme… En les regardant, on a l’impression de les connaître tous, qu’ils pourraient tous être des membres de notre famille, des amis, des voisins. Ils ont 20 ans, ils ont 30 ans, ils ont 40 ans. Je scrutais ces visages, passant et repassant, je ne pouvais pas retenir tous ces noms. Je me dis qu’il me fallait en retenir quelques-uns… Je refusais de pleurer, trouvant cela indigne, et je me contraignis à ouvrir les yeux, à écouter les histoires, à entendre le nombre de morts et les conditions de cette mort. J’adressai une prière : rends leur Mémoire éternelle ! 

Le soir, nous finîmes par organiser un barbecue avec les soldats de Tsahal. L’atmosphère était à la camaraderie, et nous étions impatients de partager ce moment avec ceux qui veillent chaque jour à la sécurité d’Israël.  

Nous nous joignîmes aux préparatifs du barbecue, aidant à allumer les feux et à disposer la nourriture. Les grillades crépitaient, et l’odeur de la viande se mêlait à la chaleur du soir. Au fil de la soirée, les discussions s’approfondirent. Les soldats nous parlèrent de leur quotidien, des armes qu’ils utilisaient et des situations auxquelles ils faisaient face. Leur simplicité et leur accessibilité nous impressionnèrent. 

Nous eûmes l’occasion de visiter un peu la base militaire. La soirée s’acheva autour de la table, nos échanges empreints d’une profonde gratitude et d’un respect mutuel. Nous comprenions mieux l’importance de notre soutien à Tsahal, non seulement matériel mais aussi moral. En quittant la base, une sensation d’humilité et de solidarité nous habitait. Nous repartions avec la certitude que notre présence et notre soutien étaient essentiels, et que chaque geste, chaque parole échangée ce soir-là renforçait les liens indéfectibles qui unissent ceux qui œuvrent pour un avenir meilleur en Terre d’Israël. 

Vendredi 24 Mai

Levé tôt, nous entamâmes notre trajet vers Bet Shemesh. Face au paysage en mouvement, une pensée éclaira mon esprit : c’est ici que nous devions être. Nous pénétrâmes dans une ferme d’agriculture biologique, où l’agriculteur, accompagné de sa femme, nous réserva un accueil chaleureux. Dépourvu d’ouvriers, mobilisés pour la guerre ou résidents palestiniens, il se retrouvait seul à assurer les travaux. Sa survie dépendait désormais du concours de volontaires. 

En l’espace d’une demi-journée, nous accomplîmes le labeur qui lui aurait demandé une semaine. Notre mission consistait à cultiver des salades en aquaculture, une pratique que je découvrais pour la première fois. Les racines des plantes baignaient dans des bassins d’eau claire, imprégnée de nutriments, une méthode captivante alliant modernité et respect de l’environnement. 

Avec une minutie attentive, nous transplantâmes les jeunes pousses dans leur nouvel élément liquide, veillant à chaque détail sous la guidance bienveillante de l’agriculteur. Ses gestes étaient empreints d’une sagesse tacite, forgée au fil d’années de labeur et de ténacité. 

Le soleil s’élevait lentement dans le ciel, inondant la serre d’une lueur dorée, et je ressentais une profonde connexion avec cette terre et ce travail. Chaque geste, chaque effort, constituait une contribution à quelque chose de plus grand. Je me remémorai soudain les mots de Manitou : “Il y a 2 000 ans, le Juif est devenu Hébreu, de notre temps, le Juif redevient Hébreu.” Retrouver son hébraïété était un impératif pour rendre cette terre fertile. À l’image de cette ferme, alliant ingéniosité et sens éthique, voilà la mission d’un Hébreu.  

Après avoir achevé notre tâche, l’après-midi fut consacré à la préparation du Chabbat, chacun vaquant à ses occupations. Notre célébration du Chabbat, en compagnie d’Oren, Sarah et Tamara, fut l’occasion de mieux connaître la famille d’Oren. Permettez-moi de partager une anecdote. La grand-mère d’Oren, Perlette Teboul, est née à la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Avec son époux, ils s’installèrent à Tsour Hadassa, sur les collines rocailleuses de Judée. Pionniers du village, ils furent les seuls résidents pendant sept ans. Bien que l’école attirât des enfants des villages avoisinants, les six autres maisons demeuraient désespérément vides. Perlette et son mari veillaient sur l’école et, grâce à leurs efforts soutenus, le village commença progressivement à s’étoffer. Ils connaissaient chaque habitant, se souciaient de leur bien-être. Aujourd’hui, Tsour Hadassa est une ville prospère. L’engagement et le dévouement de cette famille ont donné vie à ce village. 

““Il y a 2 000 ans, le Juif est devenu Hébreu, de notre temps, le Juif redevient Hébreu.””

Manitou