Ep3 – Journal de bord jeunesse : Retour d’Israël

5 juin 2024

De retour d’Israël, Paul Bendavid, responsable du mouvement jeunesse de JEM Rimonim, raconte son séjour en Israël avec le FSJU Volunteer et Israël Expérience. Découvrez l’épisode 3 de son « Journal de Bord » !

Mercredi 22 Mai

À notre réveil, nous fûmes saisis par l’étrange sensation d’être à notre place. Nous étions là où il fallait être, sur la terre d’Israël, pour soutenir une société meurtrie par la guerre. À peine avions-nous avalé nos cafés bouillants dans des gobelets en plastique, que nous montâmes dans le bus. Une trentaine de jeunes Français, conscients des difficultés traversées par Israël, étaient soucieux de prêter main-forte aux Israéliens. Nous partîmes pour Jérusalem et, tandis que certains terminaient leur nuit, d’autres laissaient leur regard se perdre dans le paysage. En relisant la Amida et ses dix-neuf bénédictions, je pris conscience d’une progression : étape par étape vers Jérusalem et les temps messianiques : rétablissement d’Israël et de son Temple, reconnaissance des nations et paix dans le monde… Je songeais à mes ancêtres qui, pendant des siècles, avaient fredonné ces prières à l’aube, l’après-midi ou au crépuscule, avec la foi puissante d’un Retour. Cette espérance, présente dans le cœur de chaque Juif au fil des siècles, a été réalisée par des Juifs laïcs, souvent ignorants de la religion, parfois même la méprisant. Paradoxe du peuple juif… 

Lorsque nous descendîmes du bus, nous étions dans les hauteurs de Jérusalem. Nous avions une vue panoramique sur une vallée et, en face de nous, nous reconnaissions le Yad Vashem, le mémorial de la Shoah. Cette terre aride et rocailleuse, grâce à l’œuvre des sionistes de Keren Kayemet, est devenue boisée et cultivable. Notre matinée de travail s’effectua dans un entrepôt climatisé. À l’intérieur, de grands bacs remplis de légumes nous attendaient ; notre mission était de les mettre dans des sachets : patates douces, carottes, aubergines, pommes de terre, etc. Une fois cette tâche terminée, la responsable de l’association, étonnée par notre rapidité, nous donna une seconde mission : faire le tri entre les produits périmés et ceux encore comestibles. Nous vérifiions les dates de péremption et répartissions les produits dans différents bacs. 

Une fois notre tâche accomplie, la responsable nous parla un peu plus de son association : Hasdei Naomi. C’est une organisation caritative qui vient en aide aux rescapés de la Shoah. De très nombreux survivants de la Shoah vivent en Israël sous le seuil de pauvreté. Certains vivent seuls dans des logements exigus, d’autres sont même contraints de mendier. Face à la misère et à la solitude de ces rescapés, Hasdei Naomi livre des provisions et apporte également du réconfort, parfois une présence essentielle. Les explications de la responsable étaient émouvantes et, à certains égards, bouleversantes. Il reste encore beaucoup à faire dans ce jeune et petit État… 

“Je n'écrirai rien : je vous demande de l'écouter, d'entendre cette voix et de tout faire pour que jamais nous ne l'oublions. ”

L’après-midi, nous retrouvâmes Erez, notre guide, dans Jérusalem. Il nous fit marcher dans la vieille ville, à la recherche d’un coin d’ombre. L’atmosphère était douce et, bien qu’il fît chaud, le temps était agréable. Sous un porche, Erez nous présenta sa vision de l’histoire du peuple juif. Il la divise en trois périodes : la première, qu’il nomme Israël et les Empires, se termine avec la destruction du Second Temple de Jérusalem en 70 de l’ère commune ; la deuxième, qu’il appelle La Croix et le Croissant, décrit comment, du judaïsme, sont issues deux grandes religions monothéistes, mais aussi comment les Juifs n’ont pas été maîtres de leur histoire, sans souveraineté politique ; enfin, le dernier temps, le Retour des Juifs à Sion. 

Nous terminâmes notre visite face au Mur de l’Ouest, le Kotel. Le Kotel est le dernier vestige du Second Temple, c’était l’enceinte extérieure du Beit Hamikdash, édifié par Hérode. Deux grands courants s’opposent quant à la vision de ce Mur : certains rationalistes défendent l’idée que ce Mur n’a qu’un intérêt historique et qu’il ne porte en lui aucune Présence divine ; d’autres, en revanche, les mystiques, considèrent que le Mur a été imprégné de la Shekhina présente dans le Kodesh haKodashim et qu’il est, par essence, sacré. Refusant de trancher cette makhloket, je me dirigeai vers la partie masculine du Kotel, et allai prier dans une synagogue qui mêlait des religieux de différents courants hassidiques et des touristes. En récitant la Amida, un étrange sentiment m’envahit : la joie d’être là et la conscience du long parcours qu’il reste à franchir pour que le Retour à Sion soit vraiment effectif… L’une des dimensions les plus étonnantes du sionisme est que, s’il semble avoir tout changé pour nous, il semble n’avoir rien changé pour les haredim dans leur rapport au monde et aux autres. L’émergence d’un judaïsme post-diasporique viendra, mais pour l’instant, les deux mille ans d’Exil structurent encore en partie le judaïsme en Israël. J’aime rappeler à mes camarades du Volontariat que la première synagogue française à avoir reconnu l’État d’Israël et à l’avoir inscrit dans sa liturgie est l’Union libérale israélite, dès la déclaration d’indépendance. Le libéralisme juif, les prémisses du judaïsme de demain ? 

Le soir, nous retournâmes à Tel Aviv pour visiter les locaux du FSJU Israël et écouter le témoignage de Jérémie, rescapé de Bééri. Pour écouter ce témoignage, vous pouvez cliquer ici. 

Il m’est très difficile de retranscrire ici les mots de Jérémie. Je prendrai le temps d’écrire, mot à mot, chacune de ses paroles pour ne commettre aucune infidélité. J’entends encore sa voix, je vois son visage et ses photos. Plusieurs sentiments m’ont traversé : l’effroi, la tristesse, la rage, la colère, etc. Très vite, je me suis senti impudique et indigne. Je ne voulais plus rien d’autre que nous écoutions tous sa voix, décrivant ce qu’il a vécu.