Talmud Torah des parents : Épisode 13

15 mai 2024

Et si on utilisait les bons mots ? Palestine : Histoire et géographie d’un nom – épisode 13 – La Nakba (5)
Le Talmud Torah des parents par Emmanuel Calef, directeur pédagogique des Talmudei Torah de JEM.

Dans le dernier épisode, nous avons vu que l’ONU avait créé deux agences pour aider les réfugiés de tous les conflits : une spécialement pour les arabes de Palestine Mandataire (UNWRA), et une pour… tous les autres réfugiés de tous les autres conflits du monde entier (UNHCR). Cet état de fait surprenant nous a fait analyser les différences de fonctionnement de ces deux agences et les écarts de budget, et de personnels employés. Pourquoi une agence spécialement pour les arabes de Palestine mandataire ? Pourquoi avec un tel budget et autant d’employés, parle-t-on encore aujourd’hui, plus de 75 ans après la première guerre Israélo-arabe, de “réfugiés” ?  

Beaucoup d’analystes modernes estiment que tout est fait pour faire des arabes de Palestine des « réfugiés éternels », une situation dont tout le monde souffre : palestiniens comme israéliens. 

Pourquoi des réfugiés perpétuels ? Parce qu’installer les réfugiés, leur donner une nouvelle nationalité et les intégrer dans les pays qui les accueillent était vécu par les pays arabes environnant comme une reconnaissance de facto de l’état d’Israël et donc inacceptable.  

D’après les documents de l’ONU lui-même : « les Etats arabes insistèrent pour que les réfugiés palestiniens recevant l’aide de l’UNWRA soient exclus du mandat du HCR […] Les Etats arabes étaient soucieux que la définition générale de réfugié ne nuise à leur position de Palestinien et donc à leur droit au retour. » 

Dès le départ, il s’agit donc de maintenir les arabes de Palestine mandataire dans un statut de réfugiés de façon à pouvoir les utiliser comme une force de pression démographique sur Israël. Parmi tous les pays arabes environnant, seule la Jordanie accordera la citoyenneté aux réfugiés de Cisjordanie (1950, confirmé par une loi en 1954. Pour les réfugiés arrivés après, la situation est beaucoup plus complexe). Egypte, Liban, Syrie,… tous les autres refuseront d’intégrer les populations réfugiées sur leur territoire dans leur propre populations et de leur offrir la citoyenneté. 

L’historien Benny Morris écrit dans The Birth od the Palestinian Refugee Problem que les réfugiés “seront utilisés au cours des années suivantes par les États arabes comme un puissant pion politique et de propagande contre Israël. » 

Le statut de réfugié pour ces populations arabes aurait pu être réglé comme dans l’immense majorité des autres cas de déplacements de populations internationaux, mais au lieu d’intégrer ces réfugiés dans leurs sociétés identiques culturellement, linguistiquement et religieusement, ils furent maintenus artificiellement dans des ghettos appelés « camps de réfugiés » et forcés à vivre dans la dépendance des aides de l’ONU. Rappelons encore une fois que là où le HCR (Haut Comité aux Réfugiés) a pour mission explicite de trouver un lieu d’habitation permanent pour les autres réfugiés du monde entier, l’UNWRA, elle, n’a absolument pas pour mission de trouver une solution permanente aux réfugiés arabes de Palestine, mais uniquement de les maintenir et de les soutenir dans leur vie quotidienne dans ces fameux « camps de réfugiés ». 

Dans ce contexte où ces populations furent maintenues pendant 20 ans dans des camps, faisant grandir leur nombre et leur désespoir, le Roi Hussein de Jordanie reconnut lui-même la responsabilité des pays arabes dans l’utilisation de ces populations comme pions pour refuser tout reconnaissance de l’existence de l’Etat d’Israël : « Depuis 1948 les dirigeants arabes […] ont utilisé le peuple de Palestine dans un objectif politique égoïste. C’est purement criminel. » (Interview du Roi Hussein par Associated Press, Janvier 1960) 

Dès le départ, le mandat particulier de l’UNWRA ne cherchant pas à trouver une solution permanente pour loger et intégrer les réfugiés, la définition spéciale du statut même de réfugié pour les arabes de Palestine, différent du statut de tous les autres réfugiés du reste du monde, le budget et la force de travail incomparables de l’agence par rapport au HCR, surprennent.  

A cela s’ajoutent des questions plus récentes sur des contenus antisémites trouvés dans les manuels scolaires publiés par l’UNWRA (voir les enquêtes de IMPACT-se, le Center for Near East Policy Research, le Middle East Media Research Institute (MEMRI) ou Palestinian Media Watch) et les témoignages récent de participation d’employés de l’UNWRA aux massacres du 7 octobre 2023 en Israël : aussi bien une vidéo montrant un employé de l’UNWRA jetant le corps d’un jeune israélien dans le coffre d’une voiture appartenant à l’UNWRA que des otages libérés témoignant avoir été détenus par des professeurs de l’UNWRA. 

La gestion des populations arabes réfugiées, aussi bien par les pays arabes environnants que par l’UNWRA pose donc question sur l’objectif poursuivi en maintenant ces milliers de personnes dans un entre-deux apatride, sans jamais leur donner de perspective d’avenir claire, tout en entretenant antisémitisme virulent et méconnaissance de l’histoire. 

Maintenant que le contexte historique, que ce soient les déplacements de population du XX° siècle ou la guerre de 1948, est en train de se clarifier, que l’on a vu les fondements de la problématique des réfugiés, la question reste entière : comment et pourquoi le mot de « Nakba » a-t-il eu autant de succès aujourd’hui ?  

Mais ça… c’est pour le prochain épisode.