L’ULIF-Marseille rejoint JEM !
Judaïsme en mouvement s’agrandit ! L’ULIF Marseille nous a rejoint. Son Président, Samuel Benhamou, avocat spécialiste en Droit des Affaires, nous raconte la vie de sa communauté, ses débats, ses interactions avec les communautés orthodoxes et libérales avoisinantes, et comment elle adhère aux valeurs et au projet de Judaïsme en Mouvement.
Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de JEM ?
Je suis un pur produit marseillais : j’y suis né. Mon père est d’Oran, ma mère est d’origine turque, née à Marseille. Du côté maternel, notre famille est en Provence depuis plusieurs générations. Nous sommes très attachés à cette ville. Je suis avocat spécialisé en droit des procédures collectives, c’est- à-dire en droit des entreprises en difficulté et de la faillite. Je suis père de famille et j’ai deux grands enfants de 22 ans et 20 ans, qui vivaient jusqu’à la crise sanitaire aux États-Unis.
Pouvez-vous nous donner quelques repères sur la communauté juive ?
Il y a une très grosse communauté de Juifs à Marseille, 65 à 70 000 personnes, ce qui est important relativement aux 900 000 habitants. L’ULIF, qui se situe dans le 8e, compte 200 familles. Nous sommes une communauté sépharade à plus de 95 %, majoritairement d’origine pied-noir. Or, généralement, le mouvement libéral s’est développé dans des communautés ashkénazes.
Et à propos de l’ULIF Marseille ?
L’ULIF Marseille est née en 1981 à la suite de l’attentat de Copernic. Nous allons célébrer nos quarante ans le 5 décembre prochain, à l’occasion des fêtes de ‘Hanouka. C’est le résultat du pari de cinq personnes à Marseille qui se sont aperçu qu’une frange de la population se considérait juive et ne fréquentait plus les synagogues. Ces Juifs ne voulaient pas entrer dans une compétition d’orthopraxie, lancée sous l’influence du Grand Rabbin Sitruk, qui a profondément marqué la communauté juive de Marseille. Et cette tendance s’est renforcée avec le Grand Rabbin Ohana. Certains Juifs le vivaient comme une course à en faire de plus en plus et être jugé pour sa pratique sans vraiment comprendre pourquoi. Il n’y avait pas beaucoup de yeshivot, et seulement deux synagogues consistoriales, le grand temple de la rue de Breteuil dans le 6e et la Synagogue de Sainte-Marguerite, boulevard du Redon dans le 9e.
“Avec Judaïsme En Mouvement, nous avons désormais conscience de former une grande communauté ”
Comment avez-vous choisi de vous investir dans une synagogue libérale ?
Le judaïsme libéral était pour moi un judaïsme de proximité : j’habitais la maison en face de la synagogue de l’ULIF. La question du Talmud Torah s’est posée pour mes enfants et j’ai simplement traversé la rue. Ensuite, il y a eu une conviction qui était latente chez moi et qui s’est révélée. Dans l’inconscient collectif orthodoxe, le judaïsme libéral est nécessaire lorsque les critères de père et de mère juive ne sont pas réunis. Bien au contraire, le judaïsme libéral est un judaïsme de conviction et d’ouverture. Avec mon épouse,
nous nous sommes mariés dans une synagogue orthodoxe, mais dans notre pratique nous avons décidé d’être des Juifs libéraux car certains principes sont importants pour nous : l’égalité entre hommes et femmes, par exemple, qui nous permet d’être assis côte à côte à la synagogue. Ce qui n’empêche pas ma fille aujourd’hui d’être chomeret chabbat.
Comment vit cette communauté libérale ?
Nous avons un Talmud Torah qui réunit une vingtaine de jeunes préparant leur bar-mitsva. Nous avons des offices, qui suivent la même liturgie que celle du site JEM Copernic, avec les mêmes livres de prières. Nous avons deux rabbins qui ne font pas partie de Kerem, le conseil des rabbins libéraux francophones : Michel Liebermann et Haïm Cipriani. Du côté des activités culturelles, nous avons des cours du spécialiste des religions Dan Jaffé : il organise chaque année un séminaire au mois de mars, nous organisons un repas communautaire une fois par mois, et des activités pour Pourim et la nuit de Chavouot, le second soir du séder de Roch Hachana ou de Pessa’h. Nous prêtons nos locaux à l’Union des Etudiants Juifs de France qui organise de nombreuses activités culturelles et cultuelles au sein de notre synagogue, ainsi qu’à la chorale RENANIM et à l’AFMA (l’Association Française pour la mémoire d’Auschwitz) qui organise trois voyages par an en Pologne. Régulièrement, des prêtres, des curés, des imams nous accompagnent. Enfin, du côté de l’interreligieux, pour Pessa’h, nous invitons un couple de pasteurs et certains membres de leur communauté. Les amitiés judéo-chrétiennes sont aussi souvent présentes à nos offices du chabbat.
Rejoindre JEM, c’est un projet de longue date ?
C’est un projet né le lendemain du vote qui a constitué Judaïsme en mouvement, le 23 septembre 2019. Pour moi, JEM réalise le judaïsme de Hillel, un judaïsme ouvert et qui sait s’adapter. J’en ai immédiatement parlé à ma communauté qui a partagé mon envie de rejoindre le mouvement.
Quels sont vos visions sur des sujets importants pour le mouvement, comme la place des femmes ou les offices en ligne ?
Le judaïsme libéral, moderne plus globalement, est un judaïsme évolutif fidèle à la tradition et ouvert sur le monde d’aujourd’hui. Notre société est en constante mutation. Aujourd’hui plus que jamais, il nous appartient de représenter et de déployer un judaïsme conscient de ce que nous sommes, tout en restant attentif aux autres religions mais aussi aux principes fondateurs de notre République et notamment au principe de la laïcité. Or, un des principes phares du judaïsme libéral est le respect des convictions de chacun. Il s’agit de ne pas imposer de dogme. En ce qui concerne les femmes, chez nous elles font leur bat-mitsva, aux offices, elles montent régulièrement à la Torah. Personnellement, je n’aurais aucune difficulté à ce que l’office religieux soit dirigé par une femme rabbin, et pour la majorité du conseil d’administration cela ne semble pas poser de problème. Quant aux offices en ligne qui sont nés avec la crise sanitaire, je trouve que c’est une excellente chose qui permet de retisser un lien au sein de la communauté. Et qui participe à la synagogue au sens originel grec du mot : « se réunir ». Se réunir en ligne est une très bonne chose : des personnes plus âgées, qui étaient effrayées par l’idée de sortir et ne fréquentaient plus les offices à cause de la crise pandémique, suivent les offices en ligne. S’ils fédèrent et font comprendre que nous appartenons à une communauté encore plus grande, je n’y vois que du positif.
Comment les choses se passent-elles après l’adhésion à Judaïsme en Mouvement ?
Concrètement, nous avons signé avec élan et enthousiasme, notre adhésion à JEM. Nous discutons souvent avec les autres communautés libérales du Sud avec lesquelles nous avons des liens : Toulouse, Nice et Montpellier. Nous allons renouer dès que possible avec les chabbat yarad chabbat, que nous organisions une fois par mois avant la pandémie. Des rabbins de JEM à Paris, comme Yann Boissière ou Philippe Haddad, qui sont déjà venus, reviendront nous rendre visite. Nous garderons nos habitudes et nos petites différences mais nous avons conscience de former une grande communauté et nous sommes déterminés à suivre le texte fondateur de JEM : la charte des rabbins. Les différentes associations juives présentes à Marseille n’ont pas su saisir les enjeux sociétaux et la révolution numérique qui dirige notre quotidien. Les jeunes ont beaucoup de mal à intégrer ces vieilles structures. Le soutien numérique et digital de JEM nous permettra de proposer aux jeunes une alternative qui je l’espère leur donnera envie de nous rejoindre. L’avenir de notre communauté dépend de notre capacité à intégrer et fédérer les nouvelles générations, c’est pourquoi nous devons sans cesse nous remettre en question.