Tou Bichevat 5783: l’édito rabbinique
Quand j’étais petite , Tou bichvat se résumait dans mon école à la distribution de fruits secs avec un quizz en situation : « et pour celui-là alors ? On dit Boré péri hatetz ou Haadama ? La bénédiction pour les fruits de la terre ou de l’arbre ? » Mais, depuis une décennie, le nouvel an des arbres est devenu bien plus, l’occasion de réveiller notre conscience écologique.
« Quand l’Eternel créa le premier humain, (..) il lui dit : regarde Mes œuvres, comme elles sont belles et louables ! Et tout ce que j’ai créé, c’est pour vous que je l’ai créé. Faites attention à ne pas corrompre et détruire Mon monde : si vous le corrompez, il n’y a personne pour le réparer après vous. »
Midrash Koelet Rabbah
C’est très beau et pourtant avouons-le … Si votre chauffage collectif est bloqué à 19 degrés en ce moment, vous attendez avec impatience la fin de la crise énergétique pour remonter le thermostat , même si ce n’est pas très écolo !
Faire œuvre de Tikoun ( de réparation) pour la planète doit il forcement se faire au prix de nos besoins ? Le commandement qui nous interdit de « détruire » ( Bal Tachrit) montre dans sa rédaction une prise en compte des réalités humaines : ce sont les arbres fruitiers qu’il est interdit de détruire selon la Torah, la tradition rabbinique élargira cet ordre à tout arbre si sa destruction est « gratuite », inutile. ( Deut. 19 :19-20, Mishne Torah Rois et Guerre )
L’urgence climatique nécessite un changement de certaines de nos habitudes, restent à déterminer lesquelles ? Non, nos ainés demain ne pourront pas tous aller faire leur course en trottinette. Alors, qu’en conclure ? Le compromis est-il acceptable ?
La nature est une création divine mais doit -on/ peut-on la sanctifier au sens juif du terme , c’est à dire l’exclure de tout usage profane ? Nous , juifs , ne vénérons pas la nature, elle est pour nous « touchable », utilisable mais ne saurait être détruite pour autant.
Hier, une fidèle me disait sa gêne en lisant ce verset : « Et Dieu dit: « Faisons des humains à notre image (…) et qu’ils dominent (..) sur toute la terre … » ( Genèse 1.26). Dans nos esprits modernes, il ne peut y avoir de domination sans abus mais nos textes nous enseignent que nous pouvons dominer la nature tout en nous interdisant d’en abuser . C’est la notion de gaspillage ici qui est visée.
Rabbin Ann-Gaëlle Attias