Pourim 5783: édito rabbinique

26 février 2023

Pourim, rire pour se souvenir et se souvenir pour rire. 

On trouvera difficilement, dans le calendrier juif, une fête plus paradoxale que celle de Pourim. On la considère comme la plus joyeuse de l’année, là où en y regardant de plus près, on trouve un condensé de la haine des Juifs sous sa forme la plus archétypale.

Que dit le texte dans la bouche du méchant Aman ?

« Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation ; quant aux lois du roi, ils ne les observent point : il n’est donc pas de l’intérêt du roi de les conserver. » Esther III:8

 

C’est par ces paroles qu’Aman, le persécuteur des Juifs, s’adresse au roi Assuérus pour le convaincre d’anéantir les Enfants Israël. Pour cela, il part du vrai, avant d’aller vers la calomnie. Il dit vrai en rappelant au roi qu’il existe une nation disséminée parmi les autres nations. Sans le nommer, il parle du peuple juif et décrit l’état de dispersion qui est le sien. À ce stade, il n’y a rien de faux dans l’énoncé d’Aman.

Puis il rappelle que ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation. La chose n’est pas fausse, mais elle n’est pas non plus entièrement vraie. Si les Juifs ont des lois et coutumes qui les distinguent, c’est à n’en pas douter aussi le cas des différents groupes qui peuplent les cent vingt-sept provinces du royaume d’Assuérus, lequel s’étend de l’Inde à l’Ethiopie.

Et il poursuit en expliquant qu’ils ne respectent pas les lois royales et qu’il n’y a donc pas d’intérêt à les conserver. Ce troisième point est tout simplement faux. Au contraire, au moment de leur exil, le prophète Jérémie s’adressant aux Enfants d’Israël leur dit : « Travaillez à la prospérité de la ville où je vous ai relégués et implorez Dieu en sa faveur; car sa prospérité est le gage de votre prospérité« . Jérémie XXIX:3

 

De manière à rendre acceptable ce mensonge, Aman le dilue dans des éléments de vérité. Pour Israël, il est d’autant plus dangereux qu’il ne tombe pas directement dans la caricature mais est capable de l’amener et de la présenter de façon apparemment convenable.

Dans un sens, il est simple de ne pas céder aux sirènes du mensonge, en revanche, il est parfois plus compliqué d’être capable de faire preuve de discernement et de démonter la logique fallacieuse de certaines argumentations.

Alors faut-il en rire ou en pleurer? En rire nous répond la tradition juive ! En rire parce qu’on se réjouit d’avoir survécu. En rire parce qu’avec savoir et intelligence, on apprend à déconstruire les discours de haine. En rire parce qu’à défaut d’éradiquer définitivement la haine, on se doit de savoir magnifier la vie.