Tichri 5783: Édito rabbinique
« Hayom harat olam », en ce jour le monde a été créé allons nous chanter dans les prières de Roch Hachana. Effectivement dans la tradition juive le jour du 1er Tichri est celui de l’anniversaire du monde. Cependant pour les Sages, la chose n’a pas toujours été aussi évidente.
Le traité Roch Hachana rapporte par exemple la discussion qui oppose Rabbi Eliezer à Rabbi Yehochoua. Pour Rabbi Eliezer, le monde a bien été créé en Tichri, c’est-à-dire à l’automne. Il justifie cela par le verset de la Genèse (I:11) où il est écrit « Que la terre produise de la verdure. ». À ses yeux, cette verdure ne peut venir qu’à l’automne en raison de l’humidité qui caractérise cette saison. Au contraire, pour Rabbi Yehoshoua, le monde aurait en réalité plutôt été créé en Nissan, c’est-à-dire au printemps. Il justifie son idée en se basant sur le même verset de la Genèse puisqu’en effet, c’est au printemps qu’apparaît une végétation nouvelle.
Finalement, la tradition se range derrière l’avis de Rabbi Eliezer. Il faut certainement comprendre ici que dans une perspective juive, la naissance du monde ne pouvait se faire que dans un moment de fragilité et de vulnérabilité comme l’automne.
C’est vers notre fragilité et notre vulnérabilité que nous ramènent les fêtes de Roch Hachana et de Yom Kippour. Pendant cette période de l’année, il n’est pas question pour nous d’être fiers et orgueilleux. C’est plein d’humilité que nous nous présentons alors en jugement.
“Nous le faisons avec la conscience de la possible dureté de l'hiver à venir plus qu'avec l'illusion d'un été radieux.”
L’examen de conscience auquel nous nous livrons ne nous pousse pas au narcissisme et à la contemplation de soi mais au contraire il invite à prendre conscience de nos forces et nos faiblesses afin de nous améliorer.
En hébreu, s’améliorer se dit « leshafer ». La racine du verbe est la même que celle du mot Shoffar, la corne de bélier que nous sonnons et écoutons à Roch Hachana et Kippour.
Le son du Shoffar peut créer de l’étonnement et de l’inconfort. C’est cela qui peut nous aider à nous améliorer. Comment s’améliorer sans être conscient de ses failles. Le fait de les ignorer n’est pas un signe de force mais plutôt une marque de faiblesse.
Au moment où la tradition enseigne que le monde a été créé. Il est important de se souvenir que pour nombre de Sages, ce monde a été créé à partir d’une brisure, d’une brèche. C’est le sens de la théorie du Tzimtzoum, chère aux Kabbalistes. Pour eux, Dieu, qui occupait l’univers dans sa totalité, a été obligé de se contracter pour permettre au monde d’advenir. Cette contraction a entrainé la brisure des vases qui contenaient les attributs divins. Il revient donc aux hommes la tâche de réparer ces vases brisés.
On parle alors de Tikoun Olam, de réparation du monde et elle passe aussi et avant tout par une réparation de nos âmes.
Rabbin Jonas Jacquelin