Pessa’h 5784 : Book Club

10 avril 2024

Explorez les profondeurs symboliques de la fête de Pessa’h grâce aux conseils lectures du rabbin Jonas Jacquelin. Bonne lecture !

Pessa’h, on le sait, est la fête qui célèbre la Sortie d’Egypte, la libération de l’esclavage, mais c’est aussi et certainement avant tout, le moment du récit, de la narration de cette Sortie d’Egypte. Dans ce sens, elle est la fête des mots, des mots qui libèrent.

C’est donc un plaisir pour moi de partager quelques titres qui pourront nous accompagner à l’occasion de ce Pessa’h, de l’année 5784.

Tout d’abord, évidemment, la Haggada ! Mais quelle Haggada ? Elle est l’un des livres juifs les plus édités et on pourrait remplir des bibliothèques entières avec des Haggadot, leurs commentaires et les commentaires de leurs commentaires. Je me propose donc d’en recommander deux !

  • La première, ma madeleine, même si ce n’est pas très Kasher Lepessah, La Haggada commentée de Robert Nerson. C’est celle que nous utilisions à la maison quand j’étais enfant. La lecture des riches et nombreux commentaires m’a donné le goût de Pessa’h et la force de tenir, même quand la soirée durait plus que de raison et que je ne trouvais alors pas nécessairement ma place dans les discussions d’adultes.
  • La seconde, La Haggada aux quatre visages, traduite et commentée par Rivon Krygier et illustrée par Gérard Garouste. Chacun des rituels de la fête se voit mis en perspective et gagne ainsi en intelligibilité tandis que l’iconographie donne un accès sensible à l’ensemble du récit.

Ensuite des romans. On trouve nombre d’oeuvres romanesques qui mettent en scène, dans des styles très différents, le Seder de Pessa’h

  • Je pense par exemple au Rabbin de Bacharach de Heinrich Heine. Fidèle à l’injonction de la Haggada selon laquelle « que celui qui a faim vienne et mange », le rabbin de cette petite ville rhénane a laissé s’installer à sa table des inconnus, qui se révéleront être des tueurs antisémites ayant caché un cadavre sous la table pour faire porter la responsabilité du meurtre au chef de la communauté. On se souvient que pendant des siècles, au moment où approchait Pessa’h, couraient les plus folles accusations de crimes rituels à l’encontre des communautés juives. On accusait ces dernières d’utiliser le sang d’enfants chrétiens pour confectionner les Matzot. La lecture de Heine nous rappelle malheureusement combien les préjugés peuvent avoir la dent dure et que le fantasme du Juif tueur d’enfant s’enracine dans une histoire très ancienne.
  • Je pense aussi à Cette nuit de Joachim Schnerf. Le titre fait écho au célèbre chant entonné chaque année le soir du Seder « Ma nishtana halaïla ha ze mikol haleïlot » Qu’est ce qui distingue cette nuit de toutes les autres nuits ? L’auteur y raconte des histoires de famille au travers des retrouvailles à l’occasion de Pessa’h. Il y a quelques années, après une grande étude menée auprès le la communauté juive aux Etats-Unis, le Pew Research Center expliquait que, plus que de Juifs de Kippour, il conviendrait de parler des Juifs de Pessa’h, tant cette fête est aujourd’hui celle qui réunit le plus les familles même les plus éloignées du judaïsme, autour d’un moment lié à la tradition. On le sait, chaque année, ces retrouvailles pascales peuvent prendre différentes formes. On les espère ou on les redoute, on y va avec enthousiasme ou en traînant des pieds, par sens du devoir, ce sont des moments où l’on se dit tout ou où l’on s’arrange soigneusement à ne rien dire. Bref, c’est aussi cela qui fait l’ADN de Pessa’h et qui en fait, au dire de certains, la grande fête juive d’aujourd’hui.

Enfin un essai :

  • De l’Exode à la liberté, Essai sur la sortie d’Egypte de Michael Walzer, qui se propose d’étudier cet épisode si particulier de l’histoire juive et de l’histoire universelle avec les outils de l’exégèse traditionnelle et de la philosophie, sans jamais manquer de le mettre en parallèle avec d’autres moments de l’histoire humaine.

‘Hag Pessa’h Kasher Vesamea’h, Bonne fête de Pessa’h,

Rabbin Jonas Jacquelin