TT des parents : Les rabbins – Episode #2

18 septembre 2024

Le Talmud Torah des parents par Emmanuel Calef, Rabbin en devenir. Ancien directeur des Talmudei Torah JEM. 

Les Rabbins, épisode #2 « Papa, maman, ils sont nés quand les Rabbins ? » 

Si le Rabbin est aujourd’hui un personnage quasi-incontournable de la synagogue et de la vie juive moderne en général, en a-t-il toujours été ainsi ? 

Comme on l’a vu dans l’épisode précédent, le mot Rabbin n’existe ni dans la Torah, ni dans les livres des Prophètes ni des Hagiographes pour désigner une personnalité ou un rôle proche de ce qu’on entend aujourd’hui par Rabbin. Les mots étymologiquement proches qu’on trouve dans la Bible, Rav, désignent des « chefs » ou des personnalités importantes, mais pas un Rabbin au sens moderne. 

Et pour cause : tout le système religieux Hébreu (biblique et donc partiellement mythique) puis Judéen (historique) ne tourne pas autour de la prière ni de la Synagogue, mais autour du service du (ou des) Temple(s) (suivant les époques) : les sacrifices. 

A l’époque donc, pas de rabbins, mais des prêtres, ou plutôt, en hébreu : des Cohanim. Les Cohanim sont les descendants d’Aaron, le frère de Moïse et tous les deux font partie de la tribu de Lévi. Un Cohen est un donc un Lévi un peu particulier, mais un Lévi n’est pas forcément un Cohen, loin de là. 

La tribu de Lévi a bibliquement été chargée du service du Temple : transport du Temple portatif dans le désert, puis, une fois installés en Canaan, de tout le bon fonctionnement du Temple : s’assurer qu’il y a du bois pour le feu, nettoyer les cendres, chanter et jouer des instruments de musique lors des cérémonies, gérer le trésor du Temple, s’assurer qu’il y a suffisamment d’animaux pour les sacrifices… 

Les sacrifices eux-mêmes et le culte proprement dit sont réservés aux Cohanim. Ce sont eux le cœur de tout le système. 

Et les Synagogues et les Rabbins alors ? 

Les plus anciennes traces archéologiques d’une synagogue remontent au 3ème siècle avant notre ère, mais la plupart des historiens s’accordent à dire qu’elles sont apparues un peu avant. Mais quand précisément ? Il n’y a pas consensus. 

L’hypothèse la plus courante chez les historiens2 est que la destruction du premier Temple de Jérusalem par les Babyloniens, et l’exil à Babylone qui s’en est suivi, ont forcé les Hébreu en exil à trouver une alternative.  

En effet, en 587 avant notre ère, la Judée passe sous domination babylonienne. La destruction du Temple de Jérusalem (-586) marque la fin de l’époque royale qui a duré près de quatre siècles et demi. De plus le Cohen Gadol ainsi qu’un grand nombre de Cohanim ont été faits prisonniers ou mis à mort par les babyloniens, la majorité du sacerdoce et du personnel inférieur qui gravite autour du sanctuaire a été déportée.  

Après que des maisons individuelles aient été utilisées à Babylone, un espace collectif dédié a pu être nécessaire à la fois pour continuer une forme de culte, mais aussi pour transmettre les traditions et enseigner. C’est la naissance des Synagogues. 

Le mot Synagogue lui-même vient du grec συναγωγή Sunagogué, qui veut simplement dire : « Assemblée, réunion », exactement comme le latin… « Ecclesia » ! Une Synagogue et une Eglise sont donc (au moins étymologiquement et historiquement) exactement la même chose : des endroits où on se réunissait. 

Mais toujours pas de Rabbins ! 

En -538, Cyrus, le nouveau maître (Perse) de l’Orient, qui vient de conquérir l’Empire babylonien, promulgue un édit autorisant le retour des déportés en Judée, et prescrivant la reconstruction du Temple de Jérusalem ainsi que, notamment, la restitution des vases sacrés que Nabuchodonosor avait enlevés au sanctuaire de Jérusalem et emportés à Babylone. En favorisant la reconstruction du Temple de Jérusalem, Cyrus ne fait qu’appliquer une ligne politique relativement conciliante envers les cultes des territoires conquis et les Judéens ne seront pas les seuls à en bénéficier. Par ailleurs, le respect manifesté par les Perses des traditions religieuses des populations soumises à leur autorité n’explique qu’en partie leur bienveillance à l’égard du retour des Judéens : en fait, ce retour sert d’une certaine façon la politique de Cyrus en lui assurant une base arrière sûre pour la conquête de l’Egypte, qu’entreprend d’ailleurs Cambyse, son fils et successeur. 

A Jérusalem, qui est à l’époque plus un village qu’une ville, la reconstruction commence, mais avec beaucoup de difficultés : à une conjoncture économique désastreuse s’ajoute l’hostilité des populations non-déportées qui voient d’un mauvais œil le retour des anciens propriétaires sur leurs terres qui ont été redistribuées 50 ans plus tôt. Peut-on les blâmer ? Les prédications d’un certain nombre de prophètes (Zacharie, Aggée,…) relancent l’enthousiasme des bâtisseurs et le « Second Temple » est bientôt terminé, moins imposant que celui de Salomon, et inauguré à Pessa’h de l’an 515 avant notre ère. 

Avec le retour d’exil de Babylone et la reconstruction progressive du Temple (538 avant notre ère) culte synagogal et culte sacrificiel vont coexister pendant de nombreux siècles, jusqu’aux 3 grandes révoltes contre l’Empire Romain (66-74, 115-117 et 132-135) et la destruction du Temple et de Jérusalem en l’an 70 de notre ère. 

Et les rabbins alors ? Toujours pas. En revanche, des mouvements avec des noms qui ne nous sont pas inconnus commencent à apparaître pendant la période grecque : ‘Hassidéens (ou ‘Hassidim), puis Pharisiens, Sadducéens, Esseniens… 

Qui sont-ils et comment ont-ils mené aux Rabbins ?  

La suite au prochain numéro…