JEM à l’Air d’Odessa: Édito rabbinique

Chers frères et soeurs d’Ukraine, je vous envoie de Paris, via Judaïsme En Mouvement ces quelques mots d’Edmond Fleg, grand penseur engagé du 20^e siècle :
Je suis Juif, parce qu’en tous lieux où pleure une souffrance, le Juif pleure.
Je suis Juif, parce qu’en tous temps où crie une désespérance, le Juif espère.
Je suis Juif, parce que la promesse d’Israël est la promesse universelle.
Je suis Juif, parce que, pour Israël, l’Homme n’est pas créé : les hommes le créent. 

Nous ressentons depuis la France, mais surtout depuis notre cœur – le seul espace que nous emportons avec nous – votre douleur, votre peur, vos larmes, mais aussi votre courage et vos espoirs.

La guerre est terrible, les violences insupportables, car l’Humain, créé à « l’image de Dieu », livré aux forces aveugles de ses armes est déshumanisé, ramené à la bestialité du prédateur, qui jouit de la souffrance et de la mort d’autrui. Ces forces humaines, qui réunies ensemble auraient pu construire les briques d’une fraternité partagée, ont été dévaluées à l’état de soldats.

Depuis des mois, si vous êtres croyants, vous vivez une foi âpre, au goût d’herbes amères ; mais si vous avez la foi, vous ressentez qu’elle constitue une force d’espérance plus grande que la peur, plus grande que la douleur. 

Si cette foi vous manque, votre espoir d’un monde meilleur constitue la preuve que cette espérance sommeille même dans le cœur du bourreau, car c’est de la même glèbe originelle, de la même adama matricielle, que l’adam a été façonné. 

Croyants et non-croyants, nous ne pouvons échapper à notre humanité qui, quoi qu’il en coûte, avance vers la liberté et la fraternité. Les régimes les plus totalitaires, les plus despotiques ne peuvent réussir à maintenir en prison, prison du cœur et de l’esprit, leurs propres sujets. Certes, les loups vont encore hurler, les mamans vont encore trembler, les bébés vont encore pleurer et des hommes vont encore tomber.

Vendredi 25 au soir, nous allons célébrer Chabbat à Paris, Marseille ou Montpellier, vos visages dans notre cœur. Dans les premières Tables de l’Alliance entre Dieu et l’Homme, le Chabbat rappelle la Création du monde. L’Homme n’est qu’un étranger séjournant sur la terre qui appartient à l’Eternel. Dans les 2^e Tables, le Chabbat est justifié pour la dignité des esclaves, « afin qu’ils se reposent comme toi« . La certitude de notre espérance c’est que l’humanité commence à découvrir que la terre ne nous appartient pas, et que personne n’est l’esclave de personne.

Lors de ce Chabbat JEM à l’air d’Odessa, que toutes les prières du monde qui montent d’un cœur d’amour, dans leurs 71 harmonies, forment le chant de la paix pour la gloire de Dieu qui ne peut se chanter sans la dignité proclamée de l’Homme.

Chabbat Chalom frères et sœurs d’Ukraine et d’ailleurs…

Rabbin Philippe Haddad