ISRAËL 2024 :  CARNET DE VOYAGE

18 mars 2024

Nous rentrons tout juste de notre formidable voyage de solidarité en Israël. Une trentaine de membres de JEM, de 20 à 80 ans, étaient présents, accompagnés par le rabbin Philippe Haddad. Un groupe extraordinaire parti redécouvrir la vie en Israël depuis le 7 octobre. Un voyage passionnant, nécessaire et émouvant dont voici le récit.

Par Patricia Gordon, administratrice JEM

 

Nous avons rencontré des jeunes soldats blessés et mutilés à l’hôpital Sheba, visité le kibboutz Beeri ravagé le 7 octobre par l’attaque terroriste du Hamas. Nous nous sommes recueillis sur le site du festival Nova, sur la place des otages à Tel Aviv. Puis, nous avons participé à la préparation d’un barbecue sur une base militaire de pilotes de Tel Kof et dansé avec ces jeunes soldats. Nous avons également prêté main forte à l’organisation Latet en préparant des colis de Pessa’h pour les personnes dans le besoin mais aussi cueilli des oranges au kibboutz Erez. Enfin, nous avons dîné avec Monsieur Daniel Saada, ancien ambassadeur d’Israël en France. Partout, nous avons perçu une profonde gratitude de nos hôtes vis-à-vis de notre démarche, de notre volonté de les aider et de les soutenir. Partout nous avons entendu des messages forts d’espoir, ressenti une foi en Israël et en son avenir, vu des sourires et de l’optimisme. Partout, dans les yeux, les sourires et les paroles, nous avons vu la résilience. Et partout, ils nous ont demandé d’être des ambassadeurs d’Israël et de témoigner de ce que nous avons vécu. Ils ont besoin de nous, notre présence et notre aide sont un réconfort essentiel. Nous leur avons fait la promesse de raconter ce que nous avons vécu. Ce voyage restera gravé pour toujours dans nos mémoires et dans nos cœurs. Je souhaite que ce témoignage personnel vous donne envie de venir en Israël pour vous aussi accomplir cette merveilleuse mitsva. C’est ma perception de notre voyage et j’espère qu’elle reflète celle de mes compagnons. D’autres témoignages suivront…  Ham Israël Haï !

Mardi 12 mars 2024

Nous commençons notre première journée par la visite de l’Hôpital Sheba, dans l’unité orthopédique où nous rencontrons des soldats, victimes de guerre : Shaked, 21 ans, a été touché le 27 octobre et a perdu sa jambe. Il attend d’être appareillé d’une prothèse et se souvient que le 7 octobre devait être sa dernière journée d’armée ! Il est depuis 4 mois à l’hôpital mais garde son beau regard et son sourire. Selon lui, la guerre doit continuer même si la situation est compliquée à cause des otages. Quand on lui demande ce qu’il pense de ceux qui soutiennent les palestiniens, il nous répond simplement « They can talk ». Il retournera se battre.

Ensuite, nous rencontrons Yonathan, un officier de 23 ans. Il est entouré de sa maman et de sa famille, hier c’était son anniversaire. Il vient tout juste de se marier. Lui aussi a perdu sa jambe mais marche quasi normalement grâce à sa prothèse. Il sort de l’hôpital demain. Lui aussi veut retourner au combat. Bientôt il maitrisera la marche et il retournera sur le terrain.

“Ce ne sont pas des destins brisés mais des jeunes qui sont plein de vie et d’espérance, dénués de haine.”

Quant à Ben et Galli, ils étaient ensemble à la rave party Nova. Ils se sont cachés dans un abri pendant des heures d’où ils ont miraculeusement échappé aux tirs des terroristes qui ont mitraillé et tué tous les jeunes qui se cachaient. Ces 2 miraculés ont perdu une jambe et se sont promis de se marier : le destin les a épargnés pour mieux les réunir ! Ils sont ensemble à l’hôpital et se regardent avec un amour si fort que s’en est saisissant. Quand nous demandons à Ben où il trouve cette force, cette sérénité, il nous répond simplement : « ce n’est qu’une jambe ».

La formidable résilience de ces jeunes m’a frappé, leur regard tellement vif, direct et leur sourire sincère. C’est un magnifique message d’espoir et de foi en la vie ! Ce ne sont pas des destins brisés mais des jeunes qui sont plein de vie et d’espérance, dénués de haine.

Après les avoir quitté, nous avons ensuite visité le kibboutz Beeri situé à 4 km de la frontière, le premier kibboutz visé par les terroristes le 7 octobre, à 6h00 du matin. Cet endroit magnifique à la végétation verdoyante, ce lieu de vie est devenu aujourd’hui un lieu de désolation. Partout, les maisons ont été saccagées, brûlées, criblées d’impacts de balles et de grenades. Une visite terrible avec le bruit des bombes en sourdine. Néanmoins, la végétation a repris ses droits, les fleurs et les citronniers poussent là où vivaient avant le 7 octobre 1200 personnes. Ils ne sont plus qu’une centaine.

Ce kibboutz a été créé en 1946 sur le principe de la sociale démocratie, mêmes horaires de travail, même salaire pour tous. Notre guide Naar a 20 ans. Il est né et il a grandi à Beeri, ce kibboutz créé par son arrière-arrière-grand-père. Depuis ses 18 ans, il vit dans sa propre maison, comme tous les jeunes de son âge mais, le 7 octobre, il a été réveillé par les bombes. Il est vite allé se cacher dans son abri, les terroristes ne sont pas entrés chez lui. Ses parents se sont aussi mis dans leur abri avec ses frères et sœurs, puis ils ont bloqué la porte pour empêcher les terroristes d’entrer. Ils ont saccagé et brulé la maison alors que la famille était cachée. Ils sont restés enfermés jusqu’à ce que les soldats israéliens viennent les libérer, à 19h00.

Nous avons continué notre périple pour nous recueillir sur les lieux de la rave party Nova. Un cimetière à ciel ouvert avec des centaines d’amas de terre représentant chacun une des victimes de cette tragédie du 7 octobre. Un drapeau, une photo, un texte en hommage, des cailloux mais surtout un arbre planté par le KKL pour se souvenir de chacun d’entre eux, un hommage à la vie bouleversant accompagné d’un kaddich entonné par notre rabbin Philippe Haddad et le groupe. « We Will Dance Again »

Cette journée s’est conclue sur la base militaire de Tel Nof (à côté de Rehovot) où nous avons participé aux côtés de l’association Evehad à la préparation d’un barbecue pour les soldats. Une base de pilotes de 200 personnes avec qui nous avons diné, puis dansé au son d’un orchestre de folie. Une soirée exceptionnelle qui a clôturé cette première journée riche en émotions.

Mercredi 13 mars 2024

Cette journée fut placée sous le signe de la solidarité au sein du principal centre de logistique de la formidable organisation Latet créée il y a 30 ans par Gilles Darmon.

Nous sommes accueillis par Emma, responsable des partenaires, qui a chaleureusement remercié JEM pour son soutien et nous a rapidement expliqué le fonctionnement de l’organisation : Latet signifie donner. La société civile israélienne a un rôle important à jouer car environ 20% de la population a un réel besoin d’aide. Latet est la plus grande banque alimentaire du pays. Elle aide 35% des survivants de la Shoah en distribuant des colis d’aide alimentaire, en les appelant chaque semaine pour prendre de leurs nouvelles et connaître leurs besoins. L’aide de Latet est portée vers tous ceux qui sont dans le besoin, de façon universelle. Cette organisation confectionne des colis alimentaires mais propose aussi de l’aide à domicile, des travaux, etc. Latet travaille en coopération avec 215 organisations partenaires qui se chargent de la distribution aux personnes.

Depuis le 7 octobre, les équipes de Latet ont intensifié les appels aux rescapés de la Shoah, l’aide aux personnes vulnérables, aux rescapés et aux soldats. 1200 colis d’aide alimentaire sortent chaque jour du centre. L’équipe de JEM en a fait 760 dans la matinée. Quasiment le record de toutes les groupes de volontaires ! Nous étions une super équipe, motivée, qui s’est organisée pour effectuer un travail à la chaîne hyper efficace dans une ambiance musicale israélienne qui nous a donné le rythme et l’impulsion nécessaire.

“Israël vivra, Israël vaincra !”

Daniel Saada, ancien ambassadeur d’Israël en France

Le soir, nous avons eu l’honneur de dîner avec Monsieur Daniel Saada, ancien ambassadeur d’Israël en France ainsi qu’avec Samuel Pinto, grand philanthrope et Président de l’Alliance Israélite Universelle. Ce dîner fut riche d’enseignements grâce aux interventions de Monsieur Saada et aux échanges plus informels. Je ne peux vous résumer le discours de l’ambassadeur de peur de ne pas être suffisamment fidèle à ses propos. Néanmoins, je peux vous transmettre sa conclusion : « Votre présence est très importante pour nous et pour vous aussi, c’est très important que vous soyez venus pour voir et réaliser ce qui s’est passé. Quelle que soit la situation, restez optimistes. D’abord, nous n’avons pas le choix. Ensuite, tout comme en 1948, nous devons avancer. Nous allons revenir dans ces kibboutzim du sud, les reconstruire. Ils seront encore plus beaux, plus forts. L’enseignement majeur du 7 octobre, c’est que nous ne pouvons plus vivre à côté d’une organisation terroriste. Que ce soit par la force ou par la diplomatie on va régler le problème. L’autre enseignement, c’est que chacun d’entre vous devenez des ambassadeurs de ce que vous avez vu. Continuez de défendre ce que vous pensez être vrai, les valeurs que nous partageons. N’ayez honte de rien, ne doutez pas. La guerre sera longue mais ensemble nous vaincrons. Israël vivra, Israël vaincra ! »

Jeudi 14 mars 2024

Nous passons ce troisième jour au kibboutz Erez, situé près de Sderot, à 900 mètres de la frontière. Yahel, un de ses habitants nous accueille dans le verger et nous raconte l’histoire du lieu : fondé en 1949 Erez a toujours été tourné vers l’agriculture (avocats, agrumes, mangues, pommes de terre…) mais aussi l’élevage de vaches et donc la production laitière (4 millions de litres de lait/an), puis la production de miel « le meilleur miel du monde » selon lui ! C’est donc une communauté de fermiers, une communauté solide et bien organisée. Sur les 600 personnes qui vivaient dans ce kibboutz, ils ne sont plus que 40 aujourd’hui. Ils ne savent pas quand les choses reviendront à la normale mais en attendant, chacun essaye de faire en fonction de ce qu’il ressent. Depuis 23 ans des roquettes pleuvent sur eux tous les jours toute la journée, alors ils ont développé une résilience qui leur permet de rester forts. C’est obligatoire pour continuer à vivre ici.

Nous nous mettons au travail dans le verger, plein d’ardeur et de bonne humeur, nos sacs en bandoulière, les mains protégées par des gants de jardinage qu’ils nous ont fournis. En à peine 3 heures nous avons rempli 10 énormes containers de 400 kg d’oranges destinées au marché israélien.

 

“L’avenir existe. Ils feront renaître et revivre ce kibboutz.”

Yahel nous félicite et nous dit en souriant « Si j’avais su qu’il y avait autant de femmes j’aurais prévu plus de boxes » ! Il nous remercie pour notre travail et notre efficacité avant de nous emmener dans un jardin du kibboutz pour nous raconter le 7 octobre : à 6h30, 2 camions de terroristes ont voulu forcer l’entrée du kibboutz. Selon ses termes, c’est l’héroïsme et la chance qui ont sauvé le kibboutz car les personnes en charge de la sécurité ont tiré tout de suite en comprenant le danger. S’en sont suivies 3h30 de combats acharnés. Les terroristes étaient lourdement armés, ils ont essayé d’entrer en dynamitant les barrières de sécurité. Une centaine de roquettes ont été tirées. Le bilan humain du kibboutz est de 1 morts, 2 blessés graves et des dizaines de blessés plus légers. Ils ont attendu l’armée qui n’arrivait pas. Les blessés n’ont pu être mis à l’abri car les kibboutzim se battaient sans relâche. Le renfort en hommes et armement est venu d’un kibboutz voisin. Le pronostic vital était engagé pour 2 personnes, leur hospitalisation était urgente. C’est une infirmière du kibboutz qui les a conduits en voiture à l’hôpital sous les tirs et les roquettes. Son courage les a sauvés, puis l’armée est arrivée à 12h00. Ils ont tous été évacués à Mitzpe Ramon.

Depuis, ceux qui sont restés travaillent à la remise en ordre du kibboutz, à son fonctionnement mais aussi à l’entretien des vaches qu’ils doivent traire impérativement pour éviter qu’elles meurent. Ils manquent cruellement de bras. Certains kibboutzim sont partis, notamment les travailleurs thaïlandais qui ont été rappelés par leur roi. Ils sont extrêmement reconnaissants de l’aide de tous ces volontaires qui viennent de tous les pays pour les soutenir. Ça les aide « à garder la tête hors de l’eau et à retomber sur leurs pieds ». Yahel nous a sincèrement remercié pour notre présence qui est plus qu’une aide pratique pour eux, c’est un soutien moral qui les touche énormément. L’avenir existe. Ils feront renaître et revivre ce kibboutz. Yahel nous explique à quel point ils sont tous ici déterminés même s’ils savent que ça prendra plusieurs années. « Nous le ferons », assurent-il, « nous savons ce que nous voulons et nous y arriverons ». Ils construisent déjà un Centre de réhabilitation pour les femmes victimes des atrocités commises par le Hamas. Les Resilience Centers sont excessivement importants pour aider les victimes à se reconstruire.

Après ce moment d’échange, ils nous ont préparé un délicieux déjeuner israélien composé de pitas, houmous, salade israélienne, falafels… Yahel nous a ensuite emmenés dans le lieu où ils produisent du miel. Depuis 1953 le kibboutz produit 30 tonnes de miel par an vendu en Israël, à base de nectar d’avocat, d’agrumes, de tamarin ou de fleurs sauvages. La guerre a bien évidemment perturbé la production, la vie des abeilles et le processus de pollinisation. Nous avons tous été heureux de leur acheter ces bocaux de miel que nous dégusterons en pensant à toutes ces personnes merveilleuses qui nous ont accueillies avec tant de générosité et de gratitude.

Nous nous retrouvons tous en fin de journée sur la place des otages au centre de laquelle cette immense table vide est toujours dressée. Un nouveau moment intense de recueillement face à ces 203 chaises vides entourées de photos des otages et de rubans jaunes les symbolisant, avec pour seul message affiché : « Bring Them Home ». Nous sommes restés un moment sur cette place avec en fonds sonore l’émouvant Hallelujah de Leonard Cohen joué au piano par un orchestre improvisé. Puis, nous partageons notre dernier dîner tous ensemble et levons nos verres à ce merveilleux peuple d’Israël. Le’haïm ! À la vie !

 

Patricia Gordon
Administratrice JEM

Quelques liens pour vous aussi apporter votre aide :

  • Pour aider l’association LANH qui nous a organisé l’expédition du premier jour à l’Hôpital Sheba, sur le site du festival Nova et dans le kibboutz Beeri, cliquez ici.
  • Pour ceux qui souhaitent un contact chez Latet pour faire du volontariat, contactez Emma et/ou pour ceux qui souhaitent faire un don à cette organisation, cliquez ici.

  • Pour aider le kibboutz agricole Erez, cliquez ici.