Interview : Bernard Cahen, avocat des victimes de l’attentat de la rue Copernic

17 avril 2023

Du 3 au 21 Avril ont lieu les assises spéciales du procès de l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic. Avocat de la synagogue et des familles de victimes, Maître Bernard Cahen a depuis toujours suivi cette affaire et ses multiples rebondissements. 43 ans après les faits, il nous livre ses impressions et les dernières évolutions de l’affaire à travers son regard d’expert !

 

3 Octobre 1980, une bombe positionnée sur une moto volée explose devant la synagogue de la rue Copernic. Une tuerie qui a couté la vie à 4 personnes et en a blessé 46 autres. Une enquête est immédiatement ouverte les indices s’accumulent, en particulier autour de l’identité du présumé poseur de bombe, mais les années passent. En 2008, la France demande l’extradition du canadien d’origine libanaise Hassan Diab fortement suspecté d’être l’auteur des faits. En 2018, nouveau rebondissement pour l’affaire, les juges d’instruction rendent une ordonnance de non-lieu déclarant que les charges ne sont pas suffisamment probantes. En 2021, La Chambre d’Instruction de la Cour d’Appel de Paris rend un arrêt infirmant l’ordonnance des juges et renvoyant Hassan Diab devant la Cour d’Assises de Paris. C’est dans ce contexte que le Parquet organise finalement la comparution d’Hassan Diab devant la Cour d’assises de Paris spécialement composée (terrorisme) du 3 avril au 21 avril 2023. Maître Bernard Cahen qui suit cette affaire depuis ses débuts a pris le temps de répondre à nos questions à quelques jours du verdict tant attendu.

En quelques mots comment s’est passé ce procès ?

Le procès se déroule dans le calme malgré le fait que Monsieur Diab ne soit pas présent devant la juridiction. Suite à l’annonce de la réouverture du procès, Monsieur Diab qui vis au Canada a prévenu qu’il ne prendrait pas part aux audiences de la Cour d’Assises. Je souligne également que beaucoup de parties civiles se sont constituées pendant l’audience et que tous les échanges se passent sur un ton relativement apaisé.

Quelles ont été les rebondissements lors de ce procès ? Avez-vous fait face à des évolutions imprévues ?

Il n’y a pas eu de rebondissement spectaculaire. Cependant, le juge Herbaut, qui a rendu l’ordonnance de non-lieux a été assez entier quand il a été entendu comme témoin. Il a soutenu son non-lieu, il a considéré qu’on n’aurait pas suffisamment d’éléments de culpabilité concernant Monsieur Diab, c’est évidemment quelque chose qu’il va falloir remonter. Nous avons eu vendredi matin des experts graphologues américains, c’est ce qui montre la puissance de Monsieur Diab d’ailleurs. Il a réussi à faire venir un Anglais et un Canadien qui sont venus témoigner à l’audience vendredi matin de la mauvaise qualité des experts graphologues français. Suite à cette intervention, l’avocat général a assez bien répondu à mon avis, en montrant d’une part des experts français qu’ils pouvaient être de bonne qualité et que d’autre part ils étaient indépendants ce qui n’était pas le cas des 2 experts qui étaient là, forcément payés par Diab et ses avocats. Voilà selon moi le rebondissement principal de la réouverture de ce procès.

Selon vous cette affaire va-t-elle enfin connaître son épilogue ?

Alors oui évidemment ! Une décision va être rendue. Cette décision est prévue pour le vendredi 21 avril. Cependant nous ne pourrons pas empêcher Monsieur Diab d’interjeter appel. Nous savons que s’il est condamné par une cour d’assises, ça sera quand même un gros point de marqué. Il ne faut pas se faire d’illusions, Monsieur Diab ne sera jamais extradé du Canada qui n’extrade pas ses nationaux, comme beaucoup de pays, et monsieur Trudeau, le Premier ministre, depuis qu’il est là n’extrade personne. S’il est condamné il est fort probable qu’il décide de faire appel parce que si un mandat d’arrêt international est délivré, le Canada refusera l’extradition, mais il sera également interdit à Monsieur Diab de voyager car chaque fois qu’il arrivera dans un aérodrome mondial il saura qu’il peut à tout moment être arrêté. Ce qui me paraît essentiel lors de ce procès ainsi qu’aux victimes c’est d’obtenir la condamnation de Monsieur Diab bien qu’elle ne soit pas acquise.

Vous qui suivez l'affaire depuis plus de 40 ans, qu'est-ce que cela vous fait de prendre à nouveau part à ce procès et de voir l'affaire avancer et se finaliser ?

Inutile de vous dire que ça fait 43 ans que j’attends ce moment, je suis donc heureux qu’il arrive. Si ce procès devait se terminer sur un acquittement de Diab, je serais évidemment très malheureux. J’espère que nous aurons sa condamnation même si les charges reposent sur des présomptions car en France les présomptions suffisent et qu’il n’y a pas de preuve véritable de sa culpabilité puisqu’il fait entendre certains témoins qui attestent de sa présence au Liban le jour de l’attentat.