Hanouka 5783: l’édito rabbinique
Chacun d’entre-nous a vu et revu le film Un violon sur le toit dans sa version originale de 1971. A l’origine, cette nouvelle de Cholem Aleichem, fut adaptée à Broadway en 1964 par Joseph Stein. Très rapidement les histoires de cette petite communauté juive du début du XXème siècle à Anatevka en Ukraine firent le tour du monde.
Son personnage principal, Tevjé le laitier, devint le symbole de l’homme juif besogneux, pauvre mais pieux. La chanson emblématique « If I were a rich man », « ah si j’étais riche » s’imposa comme ce qu’il faut bien appeler un « tube » planétaire. C’est souvent à cette comédie musicale que je pense lors des fêtes de Hanouka que nous célèbrerons à partir de dimanche soir.
Un violon sur le toit pourrait presque être un conte de cette fête.
Une petite communauté juive qui doit faire face à la réalité des pogroms et qui, pourtant avec piété, vit sa vie juive au quotidien. Tevjé implore Dieu pour qu’Il dispense ses miracles comme jadis : qu’il devienne riche ou plutôt qu’il sorte de sa misère, qu’il puisse prier paisiblement à la synagogue, que ses filles puissent épouser des juifs… En considérant les préoccupations de Tevjé le laitier, nous nous disons qu’un siècle plus tard, autre part, ces préoccupations sont aussi les nôtres. Que la solidarité s’exprime dans la communauté juive, que nous ne soyons pas inquiétés de vivre notre judaïsme et que nous puissions paisiblement affirmer notre identité. Comment ne pas penser au peuple ukrainien qui lutte depuis un an. Il s’y trouve peut-être un personnage de Cholem Aleichem qui n’implore pas sa richesse mais sa paix.
Faudrait-il, pour que tout cela se réalise, un « petit miracle » ? La fête de Hanouka peut nous laisser penser que les miracles peuvent se produire. Mais la réalité nous prouve le contraire. A moins que… A moins qu’en allumant soir après soir jusqu’à la huitième bougie notre hanoukkia nous nous mettions à penser que de pouvoir depuis 2000 ans allumer ces bougies est déjà en soi un miracle. A moins que nous nous disions que le fait d’être réunis à ceux que nous aimons est aussi un miracle. A moins qu’en voyant le regard brillant de nos enfants s’illuminer en découvrant leurs cadeaux nous considérions que cela aussi est un miracle.
A moins que nous ne prenions conscience que par la Tsedaka nous aidons d’autres familles à vivre cette joie…
“Le miracle est à portée de mains, nous pouvons le provoquer et le renouveler.”
Pourquoi attendre de Dieu des prodiges ou des apparitions spectaculaires alors que par de multiples petits signes Il se manifeste quotidiennement ? Il nous faut juste ouvrir un tout petit peu les yeux. Les lumières de la fête nous y aideront progressivement à mesure que nous les contemplerons. Alors les toupies qui tourneront dans tous les sens accompagnées par nos chants nous feront comprendre que si le « nes gadol », le « grand miracle » s’est déroulé jadis pour nos ancêtres, les petits miracles eux, se poursuivent pour nous.
Rabbin Gabriel Farhi