Chema n°17 : Sport et Judaïsme

19 juillet 2024

Consacré au sport et judaïsme, le nouveau numéro de Chema, le trimestriel de JEM qui relaie en 70 pages les informations de notre communauté et analyse notre actualité, vient de sortir !

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Que de paradoxes pour ce numéro d’été de Chema. Paradoxe du timing, tout d’abord : le sport, entre l’Euro et les JO, c’est tellement l’actualité. Sous le soleil de jours que nous voudrions meilleurs, c’est la juste saison pour se sculpter un esprit d’équipe parfait. Par ailleurs, après trois numéros très « graves »: « Guerre et paix » pour tichri dernier, « Israël 2048 » après le choc du 7 octobre pour Hanouca, et « Les juifs et l’Europe » avant les élections européennes, il était temps de choisir une thématique moins directement politique pour nous centrer sur un sujet qui crée du lien.

Mais le sport, juste après les législatives anticipées et les flambées effrayantes d’antisémitisme, n’est-ce pas un peu léger ? N’est-ce pas même une manière de faire l’autruche et de sous- entendre que les jeux effaceront les discordes pour permettre aux Français et aux nations réconciliées de soutenir des athlètes, parmi lesquels, égaux aux autres, les sportifs israéliens ? Enfin, il y a ce paradoxe au cœur du sujet : « Judaïsme et sport » car a priori la tradition est plus portée sur l’esprit de la loi que sur la performance du muscle. Mais en même temps, comme le remarque Sophie Bigot-Goldblum, « la Torah est un sport de combat ». En tournant les pages du saisissant roman graphique de Joann Sfar Nous vivrons, je découvre son émotion lorsqu’il assiste à un match de foot de jeunes de moins de 21 ans. Ils sont polonais et israéliens, cela a eu lieu le 17 novembre dernier. Et ils insistent, malgré le mot d’ordre de l’Union européenne des associations de football, pour maintenir une minute de silence pour les victimes du massacre du 7 octobre : alors je me dis qu’avec le sport nous sommes encore et toujours au centre de nos préoccupations de juifs, de citoyens et d’humains.

Il y a en effet la compétition et le couronnement des meilleurs, mais également un vrai souci de ne pas écraser la diversité, dans ces JO au rythme desquels nous allons très prochainement vivre. L’exposition de la Cité de l’Immigration présente au cœur de cette diversité toujours accrue la figure d’Alfred Nakache, le « nageur d’Auschwitz», champion de natation, qui a survécu aux camps de la mort, et a pu renager après. Sans oublier les JO de 1936 ou les assassinats des JO de Munich, il y a quelque chose dans l’olympisme qui permet d’entrer en compétition et donc de vivre ensemble. À écouter Pierre Fraidenreich, le délégué au sport du CRIF, on réalise que le « fair play » n’est pas un vain mot et que les fédérations des grandes disciplines sont très attentives à ne montrer aucune tolérance pour le racisme et l’antisémitisme. Tant et si bien que le comité des Jeux Olympiques n’a pas hésité à remercier l’ancienne membre de l’équipe de France féminine de basket, qui n’est plus ambassadrice des jeux depuis qu’elle a eu des posts plus que déplacés à la suite des massacres du 7 octobre. De même, alors que c’est un noble français qui a réactivé les JO à l’ère moderne, Pierre de Coubertin, des propos également inaudibles aujourd’hui sur les femmes, les peuples colonisés et les juifs, lui valent d’être écarté des festivités.

Nous avons pu interviewer son héritière, Diane de Navacelle de Coubertin, qui rend hommage à cet homme, sans nier ses propos, mais en les mettant en perspective dans le temps et dans l’ensemble de son œuvre, où elle trouve des ressources pour notre temps. Le droit à l’erreur, c’est aussi ce que prône notre éditorialiste Emmanuel Niddam pour Serge Klarsfeld. Encore que nous sachions désormais que certaines erreurs seront fatales pour nous, nos enfants et nos petits-enfants. Il ne reste plus qu’à nous préparer selon la formule que le Hazan Armand Benhamou nous donne pour avoir un souffle maximal et une santé de jeune homme à 83 ans: respecter son corps et l’entraîner. Oui, le judaïsme est un sport de combat et la forme olympique d’Albert Nakache l’a aidé à survivre. Nous voici prêts, corps et âmes bien entraînés à regarder l’ennemi en face, après ce petit détour musclé de l’été 2024.

Nous nous retrouverons à la rentrée pour des fêtes de tichri pleines de sens. Bel été et bons JO à toutes et tous.

Yaël Hirsch
Rédactrice en chef du magazine Chema