L’histoire JEM
JEM c’est une histoire, des origines.
Le 23, date du renouveau
L’association Judaïsme En Mouvement (JEM) est née le 23 septembre 2019, suite au vote des deux plus grandes communautés juives libérales françaises : le Mouvement Juif Libéral de France (MJLF) et l’Union Libérale Israélite de France (ULIF), après une séparation de plus de 40 ans. Ces deux communautés ont renoué le dialogue grâce à une nouvelle génération de dirigeants et de rabbins qui ont décidé de se rapprocher pour inventer une nouvelle manière d’être juif en France.
Le 23 septembre 2019, 700 membres du MJLF et de l’ULIF-Copernic ont voté à 89,9% la création de ce futur rassemblement. C’est ensemble qu’ils ont posé la première pierre de cette maison commune et fêté la naissance de Judaïsme En Mouvement.-JEM
Le 23 septembre 2019, JEM a ainsi pris ses responsabilités pour donner au judaïsme de France une nouvelle énergie et aux Français juifs une nouvelle espérance. Et cet élan, JEM l’entretient par des échanges avec tous ses membres, avec toutes les communautés juives d’ouverture, qu’elles soient libérales, massorti ou orthodoxes, avec toutes les institutions juives et surtout avec chaque femme, chaque homme à la recherche de sa maison juive, accueillante, vibrante et inspirante. Judaïsme En Mouvement a la volonté farouche d’affirmer un judaïsme inscrit dans la charte signée par ses rabbins qui s’abreuve aux sources même du judaïsme, aux textes de la Torah et du Talmud et se déploie dans un esprit d’ouverture à la cité et au monde.
D’où vient le judaïsme libéral de l'ULIF et du MJLF ? Ariane Bendavid, Maître de Conférences en études juives à la Sorbonne, vous répond.
Sans la Torah, c’est certain, le peuple juif n’aurait pas survécu en exil. Personne ne songe à le nier. La tradition est sans conteste la colonne de feu qui a guidé Israël dans ses exils successifs et lui a permis de traverser les siècles d’une histoire chaotique sans perdre ni son identité ni son patrimoine culturel. Pendant deux millénaires, le juif s’est défini par la pratique des mitzvot (commandements), qui lui dictaient son comportement du lever au coucher. Que ce soit dans un environnement hostile ou dans un contexte historique plus clément, cet attachement à la pratique quotidienne apparaissait comme une muraille dressée contre l’anéantissement physique et spirituel. Jusqu’à l’époque moderne – disons, jusqu’aux Lumières – on ne se définissait dans une société qu’en fonction de son appartenance religieuse. Quiconque reniait cette appartenance était mis au ban de sa communauté, donc de la société.
Mais s’il est vrai que le judaïsme a survécu grâce à son attachement à une tradition pluri-millénaire, occuperait-il la place qu’il occupe aujourd’hui dans le monde sans son impressionnante faculté d’adaptation et d’évolution ? Ahad Ha-Am, le père du sionisme spirituel, soulignait avec raison que la particularité de la nation juive a toujours été l’habileté avec laquelle elle sut, à travers les âges, adopter et adapter les schémas conceptuels et les modes de vie de ses pays d’accueil.
L’«imitation», montre-t-il, peut être négative ou positive : négative si elle mène au rejet de ses propres valeurs et à l’adoption pure et simple de celles d’autrui. C’est l’assimilation. Mais positive si elle est conçue comme un tremplin vers le progrès, c’est-à-dire si elle emprunte aux autres cultures ou aux autres sociétés ce qu’elles ont de meilleur pour l’adapter à sa propre vision du monde. C’est l’intégration. À chaque période de sa vie en exil, le monde juif n’a cessé de chercher l’adéquation entre ce que lui dictait sa propre culture et ce que son environnement – même hostile – pouvait lui apporter. Il s’est constamment nourri de ces deux sèves, il a senti le monde évoluer et a évolué avec lui. Il l’a fait, non dans le déni de sa propre culture, mais bien dans le souci de s’adapter à un monde changeant et dans le refus d’un anachronisme sclérosant.
Jusqu’à l’époque moderne, l’hostilité ambiante a poussé les communautés juives à ériger une « haie autour de la Torah ». Les contacts avec le monde non-juif se limitaient à des contacts intellectuels ou commerciaux. Depuis les Lumières et la Révolution française, en revanche, les cloisons qui séparaient les juifs des citoyens de leur pays d’accueil ont été ébranlées. Les murailles du ghetto se sont peu à peu fissurées, avant d’être totalement abattues. Les juifs ont été considérés, en Occident tout au moins, comme des citoyens à part entière. Parallèlement, l’impératif de l’appartenance religieuse a reculé devant les assauts d’une laïcité souvent militante. Mieux : on pouvait désormais se dire athée et juif, sans que nul n’y voie de contradiction. Deux attitudes étaient dès lors envisageables : le repli sur soi, par crainte de la disparition, ou au contraire l’ouverture sur l’autre et sur d’autres modes de pensée plus en phase avec leur temps.
Nous avons majoritairement, nous juifs de France, choisi l’ouverture. Nous avons progressivement franchi le pas de la modernité, nous avons cherché à nous faire accepter, en montrant à notre entourage cet extraordinaire désir d’affranchissement qui était le nôtre. Et nous lui avons prouvé que nous étions capables de nous adapter, et que la laïcité, loin d’être conçue comme une négation de notre identité, nous apparaissait comme une promesse de progrès. Le grand débat, dès lors, allait porter sur ce qu’il fallait conserver et ce qu’il fallait rejeter de ce judaïsme ancestral. Aux yeux des juifs occidentaux, il était fondamental, pour ne pas rester au bord du chemin et pour participer pleinement à la construction d’une Europe moderne et tournée vers l’avenir, de se reconnaître dans un humanisme laïc, en adéquation avec les grands idéaux de cette Révolution qui nous avait ouvert les portes de l’égalité. Beaucoup, il est vrai, convaincus que l’assimilation était la condition sine qua non de l’intégration, ont choisi de tourner la page d’un passé trop pesant. Mais bien d’autres, et tout particulièrement après l’Affaire Dreyfus, ont cherché cet équilibre certes difficile à trouver, entre particularisme, respect des traditions, modernité et universalisme.
Le judaïsme du XXIe siècle doit selon nous être avant tout conçu comme la transmission de traditions, de rites qui doivent faire sens, d’un savoir, d’une Histoire commune, d’une éthique, de valeurs individuelles, familiales et collectives. Nous n’avons rien inventé : nous sommes en cela les héritiers de certains de nos prophètes qui, dans des élans souvent subversifs, n’hésitaient pas à clamer, à une époque où les sacrifices étaient l’un des impératifs les plus incontournables de la vie juive (et païenne) leur dégoût et leur soif de justice. Nous ne faisons aujourd’hui que poursuivre dans la voie que ces prophètes ont tracée pour nous. La fidélité n’est pas incompatible avec la modernité.