Pourim 5784 : Edito rabbinique
En quoi ce Pourim est-il différent des autres Pourim ?
Ah enfin, me direz-vous, Pourim, la si joyeuse fête de Pourim est proche. Et même si en cette année embolismique il nous a fallu y a jouter un deuxième mois d’Adar pour y parvenir, le 23 mars au soir et le 24 toute la journée, nous y serons.
Et comme ces, disons, 2600 dernières années, nous nous souviendrons que le méchant Haman voulu la mort de tous les Juifs, dans un total anachronisme je dirais “From the river to the sea”, mais voilà que grâce à la valeureuse Esther, le sort “pour” fut contrarié, et ceux qui envisagèrent la mort des Juifs furent ceux qui périrent finalement. Ce résumé est à peine compréhensible, et vous aurez à cœur de vous rendre dans l’une des synagogues de JEM pour en entendre le récit complet lu dans la Hagaddah, le rouleau d’Esther.
Et pourtant, ayant dit cela, j’en reviens à la paraphrase des quatre questions posées par les enfants le soir de Pessa’h, un mois plus tard, en quoi ce Pourim est-il différent des autres Pourim ? Tous les autres Pourim, nous nous déguisons, nous mangeons des douceurs, nous buvons un peu plus que de raison, nous dansons, nous chantons, nous faisons un bruit à tout rompre pour couvrir le nom d’Haman… Oui mais voilà, ce Pourim sera le premier après le sinistre 7 octobre, jour de Chabbat et de Sim’hat Torah, fête qui aurait dû être doublement joyeuse entre le Chabbat et la joie de célébrer un nouveau cycle de lecture de la Torah. Ce Pourim sera différent des autres car cela n’aurait aucun sens de penser qu’à l’instar du sens de cette fête Haman sera en réalité le Hamas et que tous nos ennemis périront dans quelques jours. Non, il nous faudra comme bien souvent composer entre joie et gravité. Célébrer nos fêtes tout en ayant conscience de notre fragilité au regard de l’Histoire. Du reste, la veille de Pourim est consacrée au jeûne d’Esther comme un rappel que nous ne saurions connaître de joies pleines et entières. Il nous faudra peut-être investir plus encore ce jeûne du souvenir de nos 1200 frères et sœurs tombés sous le joug du terrorisme islamiste.
Il n’est pas tout à fait fortuit que le nom de la fête soit un pluriel Pourim et non Pour au singulier. L’histoire du peuple juif est jalonnée de sorts. Que ce soit Hanouka ou encore Pessa’h, des fêtes qui ont un narratif, l’histoire est sans cesse contrariée avec des vas-et-viens. Un peuple qui aurait pu être assimilé se trouve conforté plus encore dans son identité juive, et bien avant, un peuple voué à un esclavage sans fin connaît la libération et le début réellement de son histoire. On prête à Golda Meïr cette phrase : “Le pessimisme est un luxe que le peuple juif ne peut s’offrir”. Que la joie de la fête de Pourim soit réelle ou un peu surjouée, souhaitons-nous de vivre et non de survivre.