Le Piyout ou la poésie d’un destin
A l’approche du premier Chabbat séfarade organisé par JEM qui aura lieu les 19 et 20 novembre prochain, le chanteur Ephraim Kahn de l’Ensemble Piyout nous plonge dans l’histoire de la liturgie séfarade, celle qui résonnera bientôt au sein de la synagogue Copernic. Retour sur les origines de cette poésie hébraïque.
La tradition poétique de la liturgie juive, présente déjà en Palestine du 5ème siècle et en Babylonie des Geonim (6ème – 11ème siècles) a connu, à l’âge d’or andalou, un véritable essor. Sous le soleil d’une Séfarade (Espagne) fertile et abondante dans les sciences et les arts, la poésie hébraïque s’enrichit de nouvelles métriques et d’une variété de thèmes, inspirés directement de la poésie musulmane contemporaine. Éminemment diasporique par sa forme, empreinte d’un profond attachement à Sion dans le fond, cette poésie va traverser mers et déserts. On la retrouve dans des lieux aussi variés que le Yémen, l’Italie et l’Ouzbékistan. Mais certaines terres sont plus fertiles que d’autres : c’est le cas du Maghreb, où les héritiers du judaïsme séfarade développent une culture d’apprentissage de l’hébreu et de sa poésie, produisant des Paytanim (maîtres du Piyout) extrêmement prolifiques.
Le Piyout, chant liturgique hébraïque (qui partage la racine latino-grecque du mot français « poésie ») accompagne les rituels synagogaux comme les repas de famille, les jours de Chabbat et de fête. Mais il a également un rôle social : il est un véritable solidifiant des liens communautaires. Ces chants deviennent rapidement la bande-son de tout événement collectif, d’une façon qui n’a pas de réel équivalent dans le monde ashkénaze.
“L’art du Piyout est le récit d’un destin qui traverse les âges et les frontières.”
Loin d’être uniforme, le Piyout existe dans une variété de styles. Son contenu est parfois néo-juridique ; nombre de Piyoutim de Chabbat font mention des lois qui régissent son observance. Mais il est le plus souvent spirituel, racontant Israël, son exil et ses espoirs. Il existe également des Piyoutim mystiques, où les languissements de l’âme pour son créateur, prennent la forme d’une passion charnelle, truffée d’expressions fougueuses issues du Cantique des Cantiques.
Enfin, les Piyoutim sont chantés sur des airs divers et variés. Certaines mélodies sont originaires de Jérusalem, d’autres sont simplement empruntées aux chants soufis, à la musique classique andalouse ou encore, aux chants populaires du monde arabe. Ainsi, l’histoire du Piyout est pétrie d’échanges culturels entre juifs et musulmans.
L’art du Piyout est donc le récit d’un destin qui traverse les âges et les frontières. Il a été, et reste toujours, le chant de l’espérance, de la beauté du judaïsme et de la joie du partage.
Ephraim Kahn