La double vie de Rossi

24 avril 2024

À l’occasion du prochain concert liturgique donné le Dimanche 5 Mai à 17h00 à la synagogue Copernic, nous souhaitions vous plonger dans la double vie de Rossi, compositeur, luthiste et professeur de chant napolitain dont les œuvres seront interprétées par le chœur liturgique de Copernic  !

Salomone Rossi : Un nom, une histoire

Lorsque les juifs durent adopter un patronyme conforme à l’état civil des pays dans lesquelles ils résidaient, ils prirent souvent un nom rappelant un métier, comme Fischer, Metzger, Wasserman par exemple, un nom rappelant une origine géographique comme par exemple Landau, Wiener, Warschawski ou Offenbach ou encore celui d’une particularité physique, comme Gross, Klein ou Schwartz. C’est ainsi que pour Salomon Rossi, né à Mantoue en 1570, il est clair qu’un de ses ancêtres devait avoir les cheveux roux puisque ce nom signifie en italien rouge mais aussi roux.

Salomon se fit rapidement remarquer comme violoniste talentueux, si bien qu’il entra à 17 ans à la cour du Duc Gonzague de Mantoue comme musicien de cour. Il devint ensuite maître de concert et fut à ce titre le collègue de Monteverdi. Ces deux musiciens étaient chargés de composer les musiques des banquets, des mariages, ou encore les musiques de scène. Rossi était si bien intégré à cet univers chrétien qu’il fut dispensé de porter la rouelle, normalement exigée de tous les juifs. Néanmoins, Rossi était véritablement juif mais il menait une double vie : compositeur de musique de cour pour le Duc Gonzague et compositeur de musique liturgique pour la synagogue.

Découverte des Cantiques de Salomon

On lui doit notamment une série d’œuvres liturgiques publiées en 1623 sous le titre Les cantiques de Salomon, Hashirim asher liShlomo recueil absolument exceptionnel à plus d’un titre. Tout d’abord il s’agit de la plus ancienne composition liturgique juive publiée dont nous ayons connaissance. Ensuite, cette œuvre fait clairement de Rossi un représentant majeur de la transition entre la renaissance italienne et le début du baroque. Enfin, si vous aviez compris qu’il s’agissait d’une mise en musique du Cantique des cantiques, du Roi Salomon, eh bien vous faites erreur car ce Salomon-là, eh bien c’était tout simplement Rossi lui-même et c’est tout simplement sa propre musique : un petit jeu de mot plutôt amusant en cette première moitié du XVIIème siècle.

D’abord perdue de vue, cette musique fut retrouvée dans la seconde moitié du XIXème siècle dans une bibliothèque, sous la forme des parties séparées pour le chœur. C’est Samuel Naumbourg, hazan de la synagogue de la rue Notre-Dame de Nazareth, à Paris, qui fut chargé de reconstituer les partitions, travail financé par la famille Rothschild. Naumbourg fit un bon travail et, en digne compositeur du XIXème siècle, il ajouta un accompagnement d’orgue que Rossi n’avait pas prévu. Toutefois, soucieux d’authenticité, Naumbourg précisa qu’il n’avait pas ajouté une seule note de musique, puisque les notes jouées à l’orgue se retrouvaient toutes dans les parties du chœur. Actuellement dans les synagogues, du moins dans celle qui ont encore un orgue et un chœur, on joue encore la version reconstituée par Naumbourg. Mais en concert, on donne plutôt des versions de style baroque plus conformes à la partition originale, c’est-à-dire a capella, donc sans accompagnement.

Les mystères autour de Salomon Rossi

Rossi est mort en 1730 lors de l’invasion de l’Italie par les Autrichiens mais, tout comme on ne possède aucun portrait de Salomon Rossi, on ignore encore les circonstances exactes de son décès.