Chavouot 5783 : édito rabbinique
Chavouot fut longtemps une des trois fêtes de pèlerinage du calendrier hébraïque, un des moments où chaque membre du peuple devait se rendre à Jérusalem pour honorer le verset biblique de se « montrer/se faire voir à l’endroit indiqué » c’est à dire au Temple, au jour d’un « moed », c’est à dire à un rendez-vous sacré, fixé par la Torah.
Le nom de la fête signifie littéralement les « SEMAINES » et vient d’un décompte très particulier de temps, l’énoncé continu des 7 semaines qui séparent la fête de Pessa’h et de ce nouveau rendez-vous, pèlerinage sacré. Entre ces deux temps, jour après jour pendant 7 semaines, les hébreux comptent l’Omer, les 49 jours qui séparent la fête de la libération de celle de la Révélation.
Chavouot fait partie de ces évènements du calendrier qui portent bien des noms. On la nomme parfois « ‘hag hakatzir » ou « ‘hag habikourim » ou encore « zeman matan torah » : fête des récolte, fête des premiers fruits ou fête du don de la Torah.
‘Hag hakatzir : La fête de la récolte est décrite dans la Bible, en certains versets, en termes purement agricoles. On y raconte la fin d’une saison et le début d’une autre, l’aboutissement de la récolte de l’orge et le début du blé.
‘Hag Habikourim : la fête des premiers fruits renvoie à la tradition pour les familles de porter à cette époque leurs premiers fruits au Temple, particulièrement les espèces de la terre d’Israel: blé, orge, raisin, figue, grenade, olive, date.
Zeman matan torah : cette fête renvoie, selon nos sages, à l’évènement de la révélation. Après la destruction du Temple, les rabbins insistent sur le lien qui rapproche cette date, non simplement d’une pratique agricole mais d’un évènement « théologique » majeur, le don de la Torah. Ce rapprochement conserve une résonance puissante pour un peuple en exil, privé de terre. Le judaïsme sacerdotal disparait avec la destruction du Temple, la récolte n’est plus collectée par les exilés, mais le don de la Torah et son souvenir relie toute une diaspora dans sa dispersion.
Il existe de nombreuses autres traditions liées à la célébration de la fête de Chavouot
On a notamment l’habitude d’y consommer des mets lactés, des gâteaux de fromage blanc ou des crêpes… Une des explications à cette tradition est liée à la guematria du mot « lait » en hébreu .Les trois lettres du mot « Halav » se comptabilisent en 40, nombre de jours passés par Moïse en haut du Mont Sinaï.
On décore parfois les synagogues et les maisons avec des fruits et des fleurs en l’honneur de la fête. Le gaon de vilna interdisait cette pratique par peur d’une assimilation avec certains rites paiens. Mais cette habitude est restée vivante. Dans ce nombreuses synagogues, on installe aussi un dais nuptial sur la bima: est ainsi symbolisé le mariage entre Dieu et son peuple. La Ketouba, le contrat de mariage traditionnel, n’est autre que l’énoncé des 10 paroles que l’on entend cette nuit-là résonner dans nos offices.
C’est en effet de nuit que l’on étudie, au cœur d’un rituel nommé tikkoun leyl chavouot. Les kabbalistes y voyaient une forme de préparation spirituelle à l’union avec le divin et sa sheH’ina, sa présence en exil, au petit matin. La tradition nous invite à lire cette nuit-là, notamment le livre de Ruth : l’histoire extraordinaire d’une femme moabite, qui rejoint notre peuple et devient l’ancêtre du roi david. Une femme dont les lettres du nom, une fois renversées, écrivent le nom même de Torah.
Enfin la tradition nous invite à méditer cette nuit-là que nous étions tous réunis pour l’instant du don de la Torah. Y furent présents, selon la légende, non seulement la génération de la Révélation mais également toutes les âmes juives qui naîtraient un jour. Nous voici donc de retour au Mont Sinaï.
Rabbin Delphine Horvilleur