Chavouot 5782 : L’accueil de la Torah, dans le souci des autres

13 mai 2022

Quelle joie de pouvoir à nouveau vous accueillir dans nos synagogues pour notre traditionnelle nuit d’études ! Cette année, la Nuit de Chavouot sera célébrée du 4 au 5 juin dans deux villes, à la synagogue de Beaugrenelle à Paris et à la synagogue de Marseille. Elle se prolongera jeudi 9 juin par une soirée de réflexions philosophiques et sociales à la synagogue de Copernic.

 

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Une fois n’est pas coutume, le thème  de l’année a été choisi dès septembre 2021, avant les fêtes de Tichri : « Accueillir la Torah dans le souci des autres ». Nous ne nous doutions pas qu’il résonnerait si fort avec notre actualité : la question migratoire au cœur de  la campagne électorale et l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Le sujet de l’accueil n’est-il pas plutôt celui de Souccot, la fête des cabanes, celle durant laquelle les 7 ouchpizim, invités, sont attendus sous la Soucca ?

Quel drôle de sujet pour Chavouot, mais Chavouot est une drôle de fête, pleine de mystères … Mystère de sa date, pas de date précise. Chavouot est le pluriel de Chavoua qui signifie semaine. Chavouot, la fête des semaines, nous fêtons la fin de 7 semaines qui la sépare de Pessa’h.

Que fêtons nous ? Deuxième mystère !

À Pessa’h, nous fêtions notre libération physique, la fin de notre situation d’esclave. À Chavouot, nous fêtons notre libération spirituelle, qui passe par la réception de la loi révélée, le don de la Torah . Mais où cela est-il écrit ?

Dans la Bible, comme c’est le cas pour la majorité de nos fêtes, Chavouot est une fête agricole, la fête des moissons, la fête durant laquelle nous apportions les prémices de nos moissons au temple ; une fête de pèlerinage où le peuple tout entier montait à Jérusalem.

La tradition rabbinique, après la chute du deuxième temple, un peuple en exil éloigné de sa terre, peuple qui ne pouvait plus apporter ses prémices à Jérusalem, a associé Chavouot au don de la Torah. Et tout aussi curieusement, les rabbins ont décidé que la célébration du don de la Torah , le Matan Torah, événement très particulier pour le peuple hébreu, serait accompagné de la lecture d’un texte qui nous parle d’une étrangère, Ruth la Moabite, qui rejoint le peuple.

Ainsi, pour nos sages, l’accueil de la loi par les hébreux au mont Sinaï est directement associé à l’altérité, au souci des autres.

Au début des 10 paroles, que nous lisons à l’office du Matin de Chavouot, Dieu ne se présente pas comme créateur mais comme libérateur : « Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude » (Exode 20 :1). Nous souvenir que nous avons été esclaves puis libérés d’Egypte est le début et le cœur de ces dix paroles.

“La tradition rabbinique est une pensée humaniste qui nous interpelle individuellement.”

Une célébration de Chavouot au kibboutz Tzuba à côté de Jérusalem, en 2012. Crédit : Noam Moskowitz/Flash90

A titre d’exemple, nous lisons en Exode 23 -9 « Tu ne vexeras point l’étranger. Vous connaissez, vous, le cœur de l’étranger, vous qui avez été étrangers dans le pays d’Égypte. » Le message répété 36 fois dans la Bible est le suivant : Tu sais combien il est difficile de vivre comme étranger sur une terre qui n’es pas la tienne, tu en as souffert, tu t’en souviendras, tu ne reproduiras pas auprès d’autres cette situation qui t’a fait souffrir. Tu accueilleras avec bienveillance l’étranger. De multiples lois sont posées dans tout le pentateuque pour décliner cette règle essentielle : Accueillir la Torah, c’est accueillir l’étranger !

La force de notre tradition tient au fait qu’elle est à la fois aggadique, riche d’histoires qui nous donnent à penser, transmises de génération en génération et halakhique : des lois qui posent des règles de justice sociale, constamment interprétées par les sages de nos temps .

Des voix qui se croisent et se conjuguent pour nous aider à penser notre fragilité, la vulnérabilité de l’autre et l’engagement éthique. Nous nous promènerons dans le livre de la Genèse pour rencontrer le père des religions monothéistes, Abraham , qui en Genèse 18 a cette houspa de faire attendre Dieu avec lequel il était en discussion pour accueillir trois invités. Quel bel enseignement !

Dieu est-il hospitalier ?

En Genèse 3, ne chasse-t-il pas Adam du Jardin d’Eden ? Et pourquoi en Genèse 4, il considère, accueille, favorablement les offrandes d’Abel et pas celles de Cain ? Nous nous interrogerons sur la question de savoir si nous aurions pu refuser d’accueillir la Torah en étudiant de savoureux midrachim. Nous irons à la rencontre de Ruth, ancêtre du messie et réinterpréterons ce récit champêtre en lien avec notre thème de l’étranger et l’accueil. Nous serons autour de la table du Seder de Pessa’h avec les quatre enfants : pourquoi la fête de nôtre libération met-elle tout de suite en scène l’accueil de la différence et du questionnement ? Et nous parlerons aussi de Kabbale, qui signifie réception. Nous aurons à cœur, comme nous aimons le faire à JEM, de relier toutes ces interrogations avec celles de notre quotidien : la Torah n’est pas au ciel !

Mais, une nuit sera-t-elle suffisante pour étudier, débattre, être d’accord ou en désaccord, interroger nos rabbins et exégètes sur ces sujets qui nous interpellent si profondément, en écho avec des questions sociétales de notre temps, celle des frontières, des migrants, des réfugiés, de l’identité ?

Après deux années de distanciel, nous avons hâte de vous revoir et aurons à cœur de vous accueillir très chaleureusement dans nos maisons d’étude. Nous vous attendons nombreux à Paris et à Marseille.

Fabienne Sabban
Administratrice en charge du pôle culture