Les Matins de JEM avec Élisabeth Badinter
Élisabeth Badinter, invitée des Matins de JEM, un regard lucide sur l’avenir des sociétés occidentales et les défis du féminisme.
Le vendredi 18 octobre 2024, lors d’un petit-déjeuner organisé par le Fonds de Dotation de Judaïsme en Mouvement (JEM), nous avons eu le privilège d’entendre Élisabeth Badinter, figure majeure du féminisme et du judaïsme français. C’est le Président du Fonds de Dotation, Lionel Errera qui a présenté Elisabeth Badinter, rendant à cet instant hommage à son Marcel Bleustein-Blanchet et à son mari Robert Badinter qui eux aussi ont illuminé notre communauté JEM. La philosophe a pris la parole seule pour aborder une question qui l’inquiète avant de répondre aux questions de l’assemblée, plus nombreuse que jamais, un vendredi matin à 8h30.
Baisse démographique : un enjeu ignoré ?
Élisabeth Badinter a choisi de commencer par un « petit souci », un sujet souvent mis de côté car il ne semble pas immédiat mais il risque de transformer en profondeur nos sociétés occidentale : la chute démographique dans les pays industrialisés. Cette tendance menace notre futur économique et social. « Nous voyons notre démographie descendre à grand train« , a-t-elle averti. Elle a mis en cause notamment les écologistes, qui appellent à ne plus avoir d’enfants pour préserver la planète. Si elle comprend ces préoccupations, elle a pour autant alerté sur les conséquences de cette tendance : « Si nous ne parvenons pas à enrayer cette chute, nous risquons un effondrement économique et social« . Alors, bien sûr, « Rien ni personne ne doit forcer les femmes à avoir des enfants« , a-t-elle ajouté, en mettant en lumière l’opposition souvent soulevée entre les droits des femmes et les intérêts économiques. Elle a même qualifié cette pression démographique de « bombe atomique du féminisme« , soulignant le dilemme auquel sont confrontées les femmes modernes entre les attentes sociétales et leur propre liberté.
Après le 7 octobre 2023
Élisabeth Badinter dénonce les réactions antisémites en France. Elle a particulièrement évoqué les attaques verbales envers les femmes juives manifestant contre les violences faites aux femmes, tout ayant basculé pour elle lors de la réaction de rejet à l’encontre des femmes juives lors de la manifestation du 8 mars dernier. Elle a qualifié leurs propos d’impardonnables, soulignant la violence des dérives qui en résultent. De manière plus générale, elle a avoué avoir été « étonnée par l’ampleur de l’antisémitisme en France ». Pour elle, la seule réplique est de « répéter sans cesse la vérité et de défendre le droit d’Israël à exister et à se défendre » et d’appuyer sur la « culpabilisation » des antisémites. Sur le plan politique, elle n’a pas caché sa déception vis-à-vis du Parti Socialiste, estimant que la droite s’avère « plus combative » contre l’antisémitisme, tandis que certains médias de gauche influencent dangereusement l’opinion publique.
Le poison du wokisme
Elisabeth Badinter a également répondu à une question sur le phénomène du wokisme, qu’elle considère comme « un poison pour le féminisme« . « Les féministes ont trahi les idéaux de Simone de Beauvoir en se tournant vers des luttes communautaires », a-t-elle déclaré, fustigeant particulièrement la défense du voile contre la laïcité. Elle voit dans ces mouvements une forme de division radicale qui compromet l’unité du combat pour les droits des femmes. Elle a également mis en garde contre une société de plus en plus violente, où les jeunes sont influencés par des discours radicaux : « Ce n’est pas tant une violence physique, mais une violence idéologique qui s’infiltre dans la société », a-t-elle précisé.
Kamala Harris et les ambivalences de la politique américaine
Il n’y a pas qu’en France que le wokisme pose question. Si bien que la question a été posée à Elisabeth Badinter de savoir qui elle choisirait entre Trump et Harris si elle était américaine. Certains participants ont en effet exprimé leur inquiétude face aux ambivalences de la candidate démocrate vis-à-vis d’Israël. Elisabeth Badinter n’a pas caché ses réserves, craignant que les positions trop progressistes de Harris et son soutien à certaines luttes communautaires puissent se retourner contre les valeurs fondamentales du féminisme et affecter l’équilibre politique. Mais pour elle, Donald Trump, demeure un « poison absolu » et elle a mis en garde contre ses attaques répétées contre les institutions démocratiques américaines. Malgré son soutien actuel à Israël, elle estime que les conséquences à long terme de sa politique pourraient ternir l’image d’Israël.
Quel avenir pour la démocratie et l’éducation en France ?
De retour à des questions sur la politique française, Elisabeth Badinter s’est montrée critique vis-à-vis des dernières déclarations d’Emmanuel Macron relatives à Israël et surtout préoccupée par des question de fonds au cœur de l’éducation nationale et des médias, qui doivent jouer un rôle majeur face à la montée islamisme.
Enfin, Elisabeth Badinter s’est exprimée sur la situation de l’Éducation nationale en France, particulièrement en ce qui concerne la montée de l’islamisme dans certaines écoles. Elle a dénoncé la complicité de certains jeunes professeurs face à l’entrisme islamique, déplorant la réduction de la formation des enseignants : « Nous devons mieux former nos professeurs pour qu’ils puissent résister à ces idéologies », a-t-elle conclu. Quant aux grands médias nationaux, ils devraient également résister à ces sirènes islamistes.
Jean François Bensahel, co-Président de JEM a conclu en mettant en évidence l’apport du judaïsme égalitaire dans la lutte en faveur des droits des femmes. Madame Badinter a remercié alors Judaïsme en Mouvement pour sa contribution qu’elle a jugée « libératoire ». Ce petit-déjeuner a permis de revenir sur des sujets essentiels qui touchent non seulement la communauté juive mais aussi l’ensemble de la société française. Le Fonds de Dotation JEM continue à offrir une plateforme pour ces discussions cruciales, en rassemblant des voix intellectuelles autour des grands enjeux qui nous concernent toutes et tous. « Seul compte l’exemple que le philosophe donne par sa vie et par ses actes » Vladimir Jankelevitch.