Sim’Hat Torah 5785 : Se réjouir et s’attrister !

22 octobre 2024

Chers fidèles de JEM, qu’YHWH vous bénisse !

Dans quelques heures nous allons entrer dans notre 8e jour de Souccot Chémini Âtséret « huitième jour de clôture » que la tradition orale nomme Sim’hat Torah ‘joie de la Torah’. Car en ce jour nous terminons le cycle de lecture du sefer Torah pour immédiatement l’inaugurer de nouveau par Béréchit « au Commencement ». Dans la conception juive, il n’y a jamais de fin mais des débuts qui s’enchaînent ; au point que les maîtres de la Michna ont considéré qu’il existait quatre Roch Hachana dans une année solaire. Jour de joie augmentée par le fait que tous les fidèles sont invités à monter sur la téva pour réciter les bénédictions sur le rouleau sacré, « héritage de la maison de Jacob ».

Pourtant cette année nous serons envahis par des sentiments de tristesse et de deuil. Nous nous rappellerons qu’en sortant de l’office joyeux de l’an passé, nous avons appris, petit à petit, la catastrophe, puis l’horreur qui a réjouis les profanateurs des corps de cette insouciante jeunesse de Nova et des habitants des kibboutzim frontaliers de la bande de Gaza. Horreur qui se poursuit pour ces malheureux otages dont on n’ose imaginer le terrible sort. Ce pogrom n’eut lieu ni à Kiev, ni à Kichinev, mais aux portes de l’Etat d’Israël, créé pour le « plus jamais ça ». Se réjouir et s’attrister ! Chaque matin dans la prière nous récitons avec ferveur achrénou « comme nous sommes heureux et que notre sort est enviable », formule que certains pieux de notre peuple ont récité jusqu’aux portes des chambre à gaz. L’être juif aime le paradoxe, une manière d’affirmer que l’on ne détient jamais la vérité absolue, mais une parcelle de cette vérité inaccessible appartenant au seul Dieu transcendant. Ce paradoxe du savoir que les talmudistes aiment cultiver à travers l’esprit de la mahloke « la discussion » au nom du Ciel, cette année nous le vivrons dans nos âmes, âmes individuelles et âme collective : nous serons, individuellement et collectivement, heureux et malheureux. Heureux parce que âm Israël hai ! Car que serions-nous aujourd’hui si les attaques contre Israël avaient été coordonnées du sud, du nord et de l’est simultanément ?

Les combats continuent, des beaux visages de garçons ou de filles tombent au front pour défendre la survie du peuple, pourtant même dans les bases militaires, cette jeunesse célèbrera à sa manière cette fête de Sim’hat Torah. S’ils le font en sachant que demain ils ne seront peut-être plus de ce monde, ils nous invitent donc ici, dans nos communautés de JEM, à les imiter. Nous serons donc malheureux en pensant aux otages, en pensant aux parents endeuillés, aux enfants endeuillés, aux frères et sœurs endeuillés, en pensant à ces centaines d’handicapés physiquement ou psychologiquement par une guerre qui a été imposée par un ennemi implacable. Et nous serons heureux autour de notre Torah.

Comment pouvons-nous nous réjouir sans oublier toutes ces malheureuses victimes ?

A chacune et chacun de trouver sa mesure, son équilibre délicat. Au centre de cette joie triste ou de cette tristesse joyeuse, se dressera le sefer Torah, notre carte d’identité qui porte, historiquement ou symboliquement, les traces de notre origine et ce « devoir d’espérance » selon le dernier beau livre de notre collègue le rabbin Boissière. Au fond la joie de la Torah traduit notre sanctification de la vie contre tous les discours haineux et mortifères. Honorer cette Torah qui nous demande de choisir la vie contre la mort, l’amour contre la haine, la réconciliation contre la vengeance, la joie contre la tristesse, c’est œuvrer, avec discernement, à notre niveau, même si le monde ne nous comprend pas toujours, pour plus de dialogue et plus de paix.

Certes, ne soyons pas naïfs l’antisémite ne deviendra pas miraculeusement un philosémite, mais il nous est imposé par les fondements de notre Torah de croire d’une foi parfaite qu’un jour les enfants d’Abraham, Isaac et Ismaël, se réconcilieront à Hébron, Hévron, la cité de « l’amitié ». Que nous ayons le mérite de voir ces temps apaisés au nom de Celui qui a créé le ciel et la terre et l’humanité entière, riches de ses différences. Hommages aux victimes, condoléances aux endeuillés et hag saméah au peuple d’Israël, ici et là-bas.

Am Israël hai !

Rabbin Philippe Haddad