Interview d’Isabelle Williams

Son grand-père, déjà, était vice-président de l’ULIF avant la guerre. Son père a aidé à sa renaissance après la guerre et en a été le secrétaire général. Son mari a été notre rabbin pendant près de 40 ans et demeure celui de bon nombre d’entre nous. Isabelle Williams est la mémoire vive de JEM Copernic ! Elle s’est lancée dans une aventure peu commune : convaincre le rabbin Michael Williams de publier une sélection de sermons. Le résultat est une somme de réflexion, d’étude et d’humour, qui s’est déjà vendue à 500 exemplaires. Isabelle Williams revient pour Chema sur les coulisses de cette publication au titre merveilleux : Un rabbin heureux quand même !
Pouvez-vous nous raconter l’origine de ce projet de publication des sermons de votre mari, le rabbin Michael Williams ?
J’ai toujours voulu que Michael écrive un livre, mais il a toujours refusé. Mais tout a changé après le procès de l’attentat de Copernic. De nombreux anciens membres, jeunes à l’époque de l’attentat, sont venus témoigner. Cela a recréé des liens, et lors d’un pique-nique, plusieurs m’ont dit que Michael leur manquait, ainsi que ses sermons. Cela a fait tilt dans ma tête, et je me suis dit : pourquoi pas ?
Comment vous y êtes-vous prise pour concrétiser cette idée ?
Muriel Charbit Stark, dont les parents étaient des fidèles de Copernic, était partante, elle souhaitait dédier un livre à la mémoire de son mari. Avec Ariane Bendavid et Corinne Baudry, nous avons formé une équipe juste avant l’été 2023. Nous avons commencé à lire et trier les sermons que Michael avait écrits entre 1976 et 2012. À ses débuts en France, il les écrivait en anglais, et je les traduisais et les tapais à la machine. J’ai tout gardé. Si bien que nous avons pour cette période tous les sermons de Chabbat. Plus tard bien sûr, il n’avait plus besoin de moi et je ne tapais que ses sermons pour les fêtes ou les grandes occasions. Au début, je voulais lui faire la surprise de la publication pour ses 80 ans, et puis j’y ai renoncé : publier sans son accord était impensable.
Comment a-t-il réagi ?
Initialement, il s’est opposé au projet. Il a toujours affirmé qu’il ne publierait jamais de livre. Les trois amies impliquées dans le projet étaient évidemment convaincues qu’il fallait respecter ce refus. J’ai néanmoins insisté et lui ai fait valoir que c’était dommage, car ces sermons avaient beaucoup de qualités et certains fidèles les réclamaient. Finalement, il a relu quelques textes que nous avions choisis, et il a changé d’avis. Il s’est rendu compte que ses sermons étaient toujours d’actualité et nous avons pu avancer dans le travail d’édition pour aboutir à la publication de cet ouvrage.
“Plusieurs fidèles m’ont dit que Michaël leur manquait, ainsi que ses sermons ”

Quels critères ont guidé la sélection des sermons publiés ?
Nous avons cherché à couvrir un large éventail de thèmes tout en respectant un équilibre chronologique. Les premiers sermons, de 1976 à 1978, sont majoritairement des discours de Chabbat liés à l’actualité et à la paracha de la semaine. Ensuite, il y a les grands événements comme l’assassinat de Rabin, l’attentat de Copernic, le centenaire de la synagogue, et bien sûr les fêtes de Tichri. Nous voulions refléter son style, qui était avant tout oral, sans le trahir. Plusieurs lecteurs nous ont confié qu’en lisant le livre, ils entendaient la voix de Michael. Et c’est très émouvant d’entendre leur témoignage.
Certains textes étaient-ils tout à fait démodés ?
Étrangement, pas tellement ! Puisqu’il aborde des thèmes qui restent d’actualité comme par exemple la situation en Israël, la double allégeance, la situation des juifs en diaspora, et les valeurs du judaïsme qui ne se démodent jamais. Même lorsqu’un de ses sermons porte sur les Refuzniks que l’on pensait avoir oubliés, il n’est pas démodé et un livre doit bientôt paraître sur le sujet.
Comment avez-vous trouvé un éditeur ?
Nous nous sommes tournées vers Séverine Charbonnel, elle-même « enfant de Copernic », qui a été une éditrice extraordinaire. Non seulement elle nous a guidées avec beaucoup de professionnalisme, mais elle s’est aussi impliquée personnellement. Elle nous a accompagnées dans la campagne de financement participatif sur KissKiss-BankBank. La soirée de lancement a eu lieu à la synagogue de Copernic, avec 120 personnes présentes. Une fois les frais d’impression, et autres, couverts, les bénéfices des ventes ont été reversés à des associations comme le Maguen David Adom.
Y aura-t-il un volume deux ?
Pourquoi pas ? Nous avons dû écarter beaucoup de sermons. En tout cas, ce projet a permis de raviver des souvenirs et de créer des liens dans la communauté. Voir les gens redécouvrir les sermons de Michael et entendre leur écho aujourd’hui est très émouvant.
Propos recueillis par Yaël Hirsch
Chema n°19
