Chema n°20 : 7 Octobre, crime contre l’humanité ?

Le nouveau numéro de Chema aborde avec force et clarté une question brûlante : comment qualifier les atrocités du 7 octobre et leurs suites ? Crime contre l’humanité, crime de guerre, génocide ?
Un outil de réflexion et de mémoire à lire absolument en cliquant ici.
Où étiez-vous le 7 octobre quand c’est arrivé ?
Comme pour le 11 septembre ou le 7 janvier, nous nous souvenons tous. Avons-nous immédiatement pris la mesure de l’ampleur de l’attaque ? Du tournant historique qu’elle représente ? Ces pogroms ont eu lieu à ciel ouvert, en Israël même, sur la terre où nous avons cru naïvement pendant près de 80 ans que plus jamais le massacre des Juifs ne serait possible. Or, les atrocités perpétrées par le Hamas ce jour-là ont été systématiques, massives et d’une violence inouïe. Le rapport de Human Rights Watch s’intitule de manière éloquente « Impossible d’effacer tout ce sang de ma mémoire. » Belkis Wille, l’une des enquêtrices de l’ONG, explique aux lecteurs de Chema que ces crimes ont été non seulement « commis de manière étendue et systématique », mais aussi prémédités, planifiés et documentés par les assassins eux-mêmes sur leurs réseaux sociaux.
Dans ce numéro, des avocats et juristes, des spécialistes du droit international et défenseurs des familles des victimes du 7 octobre – Yann Jurovics, Yaël Gvirman, – sont unanimes : les actes commis le 7 octobre sont des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité ». Ils estiment même qu’on peut parler de « génocide », compte tenu de l’intention spécifique de tuer un maximum de civils israéliens. Face à ces atrocités, les mots nous manquent d’autant plus que des otages sont peut-être encore vivants en captivité à Gaza. A l’image de la façade de l’Assemblée nationale française le 26 février dernier – jour de la remise des corps des trois membres de la famille Bibas assassinés – nous sommes tous en deuil et en orange. Nous avons beau revisiter le passé – la Shoah, Nuremberg – il est difficile de nous orienter dans tout cet orange. Une couleur et plus de mots, donc, pour définir le deuil infini qui nous cisaille. Même une fois morts, les civils tués sont encore brutalisés dans des actes sacrilèges. Faudrait-il inventer de nouveaux mots pour nommer l’horreur ? C’est ce que propose Brandon Silver du Centre Raoul Wallenberg (CRWDP) avec la notion de « Kinocide », sur la violence spécifique que les terroristes du Hamas ont importée au sein de familles dévastées.
Nous remercions le rabbin Delphine Horvilleur pour son texte, publié originellement dans Tenou’a, qui concentre l’horreur de l’enlèvement et du massacre de deux enfants en bas âge et de leur maman. Merci aussi à Myriam Illouz pour ses mots lucides et à Paul Audi de nous rappeler notre définition de l’humanité et tout ce pour quoi nous luttons. À l’heure où la question de la riposte et du traitement de civils palestiniens par les forces israéliennes est cruciale et au centre des débats internationaux, nous refusons que le 7 octobre soit oublié. Comme le souligne François Zimeray, qui fut parmi les premiers à lancer des demandes de mandats d’arrêt internationaux contre des membres du Hamas impliqués : « Les pages des livres d’histoire sont un champ de bataille ». Il serait fou que le massacre du 7 octobre soit relégué dans l’oubli, quand la notion même de crime contre l’humanité – imprescriptible et relevant d’une compétence supra-étatique – a été créée pour prendre la mesure de la destruction des Juifs d’Europe. Et il est essentiel que la communauté internationale reconnaisse les attaques du 7 octobre pour ce qu’elles sont : des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et peut-être même un génocide.
Cette reconnaissance est cruciale, non seulement pour les endeuillés d’aujourd’hui, mais aussi pour lutter contre les réseaux économiques et politiques qui financent le terrorisme du Hamas. C’est indispensable pour tous les humains d’aujourd’hui et demain, afin qu’ils et elles se rappellent ce qu’il advient quand on sort de cette humanité, que nous continuons à chérir, tant bien que mal. Avec une longue traversée du désert en perspective, continuons de célébrer l’humanité et la liberté.
YAËL HIRSCH
Rédactrice en chef