Tou Bichvat 5785 : Edito rabbinique

La fête de Tou Bichevat a beau être considérée comme une fête mineure, elle n’en a pas moins beaucoup d’importance à la fois dans sa symbolique que dans l’espérance qu’elle suscite. En effet, ce 15 du mois de Chevat (cela en est sa traduction) a été établi comme fête vers la fin du 1er siècle de l’ère chrétienne.
On arrive ainsi à dater cette fête dans la mesure où, les si célèbres écoles de Hillel et de Chamaï se sont confrontées sur la date qui devait être retenue. Pour l’école de Chamaï, et ça semble assez logique, ce nouvel an des arbres aurait dû avoir lieu le premier du mois alors que l’école d’Hillel a considéré que cela devait être le 15 du mois pour deux raisons. La première étant que cette date devait déterminer le paiement d’un impôt sur les récoltes fruitières, or l’école de Hillel étant plus pauvre, les terres l’étaient aussi et ne produisaient pas aussi rapidement que celles de l’école de Chamaï. La seconde raison est plus belle encore, Tou BiChevat marque le renouveau de la nature et, lorsqu’on la contemple, on s’aperçoit que c’est autour de cette date que les amandiers sont en fleurs, en Israël mais aussi dans le Sud de la France. Je suis très sensible à cette raison. En face de mes fenêtres j’aperçois des arbres, que dis-je des arbres, des troncs et des branches. Le paysage qui longtemps fut caché par des feuilles se dévoile. Dans mon cas c’est un petit cimetière et les quatre tours de la Bibliothèque François Mitterrand. Il est difficile d’imaginer que ces arbres qui ont hibernés vont bientôt bourgeonner puis fleurir de nouveau. Et pourtant, bientôt je ne verrai plus, et c’est tant mieux, ce petit cimetière et les quatre tours jusqu’à l’hiver prochain.
Et pourtant, en prenant le temps d’observer et même de contempler les arbres, on s’apercevra qu’il en existe deux types. Le premier donne des feuilles mais pas de fruit, tout en étant parfois majestueux et centenaire, alors que le second donne toutes sortes de fruits et nous est particulièrement agréable dans la mesure où, l’on peut profiter de ses fruits en les cueillant à pleine maturité. Ce qu’il y a de formidable avec cette fête, c’est la sagesse des Rabbins qui ont compris qu’avec l’exil et la diaspora de la Terre d’Israël, les Juifs auraient besoin de repères et de liens avec cette terre qui leur étaient plus ou moins lointaine. Ainsi (et avant le changement climatique !) Paris par exemple, se revêtait d’un manteau blanc et d’une nature bien silencieuse en cette période. Le fait de célébrer Tou BiChevat fait que, le temps d’une fête, nous vivons un peu en Israël.
Cette fête ne comporte pas d’interdits, si ce n’est celui de jeuner.
En revanche deux mitsvot accompagnent cette fête. La première consiste à planter un arbre, et de préférence fruitier. Pour ceux d’entre-nous qui ne disposons pas d’un jardin, nous pouvons faire un don au KKL qui plantera pour nous un arbre en Israël. La seconde est une sorte de seder, à l’image de celui de Pessa’h, où nous consommerons quatre verres de vin ou de bière, avec la plus grande des modérations, et, idéalement sept fruits d’Israël, des fruits de l’arbre ou de la terre.
Vous aurez la possibilité, dans la plupart des communautés de JEM, de fêter ce seder de Tou BiChevat. En chemin vers la synagogue, vous ne verrez que troncs et branches, mais en étant très attentifs, vous observerez sur un arbre quelques petits bourgeons minuscules et, dans le froid de la saison, vous vous direz que le printemps arrive comme un signe d’espérance à travers le renouveau de la nature. Ainsi en sera-t-il pour chacun d’entre–nous. Nous vivrons cette formidable espérance qu’après l’hiver vient le printemps et qu’ainsi il en sera également dans nos corps et dans notre cœur.