Tichri 5785 : Book Club avec Delphine Horvilleur
Le rabbin Delphine Horvilleur nous partage ses lectures pour se préparer au mieux à la période d’introspection qui accompagne les célébrations de Tichri. Bonne lecture !
Cette année, les fêtes de Tichri coïncident malheureusement avec la commémoration de l’année de deuil de la tragédie du 7 octobre. Cette période, traditionnellement marquée par le recueillement et l’introspection dans le calendrier juif, est plus que jamais cette année, un moment de souvenir et de deuil.
J’ai donc sélectionné des livres en lien avec la mémoire de notre peuple et le processus de traversée du deuil.
- Tombé hors du temps, de David Grossman (Éditions Points)
- Femme fuyant l’annonce, de David Grossman (Éditions Points)
Ces deux ouvrages de l’écrivain israélien sont, selon moi, parmi les plus beaux sur le thème du deuil, et tout particulièrement celui vécu par tant de parents dans la société israélienne. À travers des voix différentes, on y rencontre celles des survivants à la tragédie, le murmure ou le cri de ce que l’hébreu appelle des « avot shkoulim », des parents endeuillés. Ce terme, qui décrit la perte d’un enfant, n’existe réellement dans aucune autre langue. David Grossman, faisant lui-même partie de cette famille des endeuillés, en parle mieux que quiconque. Que sa voix soit celle d’un père ou d’une mère, elle nous transperce, nous permettant d’entrevoir un instant ce territoire interdit et terrifiant : celui du pire deuil qui soit.
- Houri, de Kamel Daoud (Éditions Gallimard)
D’une manière étrange, il me semble que le dernier ouvrage de Daoud fait écho à la voix de Grossman. Dans ce livre, il est aussi question de deuil et de la mémoire d’une catastrophe, en l’occurrence celle des années noires en Algérie. Daoud donne la voix à une femme martyre, dont les terroristes ont sectionné les cordes vocales. Plus aucun son ne sort de sa bouche, mais l’auteur lui fait porter la plus puissante des déclarations. Il peut sembler surprenant de proposer ce livre parmi ceux à lire en préparation des fêtes juives, mais ce récit éclaire d’une manière universelle ce que signifie entrer dans ces jours redoutables, en se demandant si l’on en sortira un jour.
- À l’ombre de l’art (Tenou’a)
Tenou’a publie cette année un livre d’art inédit à l’occasion des commémorations du 7 octobre. Cet ouvrage, intitulé À l’ombre de l’art, est rédigé simultanément en français, anglais et hébreu. Il regroupe des œuvres de nombreux artistes juifs et/ou israéliens, créées depuis le 7 octobre, qui tentent de raconter l’indicible. Ce livre est un moyen de reconnaître ensemble que l’art permet parfois de dire ce que les mots ne parviennent plus à exprimer. L’intégralité des recettes sera reversée aux associations de soutien aux familles des otages.
Pour vous le procurer : www.tenoua.org
- Pour les hébraïsants : Bazeman, de Dalia Marx
Dans ce livre, cette rabbin et professeure de liturgie propose une exploration inédite des temps du calendrier juif, à travers leur symbolisme et de nombreux textes contemporains qui résonnent avec les thématiques ancestrales et traditionnelles. Chants, poèmes, enquêtes étymologiques et bien d’autres pistes originales sont explorées pour comprendre l’enchaînement des temps de nos vies. Une manière de commencer l’année avec une réflexion créative et un point de vue original sur nos fêtes.