Tichri 5782 : Édito rabbinique
Quand un film marche bien, le réalisateur récidive avec « le Retour ». A part les fictions, il existe le film de nos vies qui elles aussi appellent parfois ce renouveau. Et s’il est bien une période calendaire où cette notion de retour crie en nous en voix impérative, c’est incontestablement celle du mois de tichri, avec sa succession de solennités, de « rendez-vous » (moêd) avec Dieu, la communauté ou avec nous-mêmes.
Revenir !
Revenir après un départ, revenir après un voyage, revenir après une pandémie…
Cela ne suffit-il pas de toujours avancer, de toujours monter, de toujours progresser, de toujours performer ? Qui retournerait à la Maternelle après son diplôme supérieur en poche ? Il faut donc poser qu’il ne s’agit pas d’un retour à la case départ, avec occultation de mémoire, mais bien au contraire d’un éveil à ce que nous sommes devenus.
L’être est toujours offert en pure grâce, mais il se bonifie sans cesse à la mesure de notre vouloir être, qui reste notre devenir. Rabbi Eliézer a exprimé cette idée dans un langage simple et concret : « Malgré toi tu nais, malgré toi tu vis, malgré toi tu meurs, et malgré toi tu seras invité à donner sens à ton existence » (Avoth 4, 24)
La grâce de la vie constitue un « malgré nous », que nous en ayons conscience ou non, mais le « donner sens » – qui en hébreu signifie aussi « donner goût » (taâm) – ne dépend pas d’un réveil d’en haut, de la pesanteur d’une grâce antérieure, mais du réveil d’en bas, celui de la conscience qui revenant vers elle-même regarde son parcours, son cheminement, ses relations.
En ce mois de tichri, ne soyons pas des revenants, fantômes de nostalgie, mais des revenants au feu du désir à être plus authentique pour nous, nos proches et au-delà !
Année douce comme le lait et le miel sous nos langues.
Chana Tova !
Rabbin Philippe Haddad