Pessa’h Cacher Ve Samea’h

3 avril 2025

Quand Pessa’h commence un samedi soir : rabbin massorti dans la synagogue de JEM Toulouse (CJLT- Or Laholam) et dans les synagogues parisiennes de JEM, Ann-Gaëlle Attias vous livre ses astuces pour préparer et mener le seder de Pessa’h qui commence cette année un samedi soir !

Cette année, l’organisation des préparatifs de Pessa’h, notamment celle du premier seder, est modifiée en raison du Chabbat qui précède immédiatement la fête. De plus, avec le changement d’heure – Chabbat sort à 21h30 à Paris – pas simple pour qui veut à la fois rester dans un cadre d’observance traditionnelle et garder les enfants en éveil après Ma Nichtana ! Voici donc les petites astuces que je vais moi-même employer cette année…

Opération ménage jusqu’à jeudi 10 avril fin d’après-midi ! 

Au commencement, il y avait un sprint ! Et oui, cette année je devrai finir mon ménage de Pessa’h et la cachérisation des ustensiles si besoin le jeudi 10 avril avant la tombée de la nuit. J’aurai bien fermé les cartons destinés à être vendus (voir formulaire de vente de ‘Hametz) et je les aurai bien enfermés dans un placard, puis j’aurai vidé mes poubelles afin de ne pas conserver de ‘Hametz dans ma maison. J’aurai juste accordé un sursis à une dizaine de petits bouts de pain, soigneusement emballés dans de l’aluminium ou du sopalin… et que je vais cacher dans les coins des pièces de ma maison. Cela pour faire la Bedikat ‘Hametz,

La recherche du 'Hametz, dès le jeudi 10 à la nuit tombée.

Ce rituel consiste à rechercher symboliquement le ‘Hametz à la lumière d’une bougie… La chasse aux petits bouts de pain ! D’habitude, on fait cela la veille du seder. Mais impossible de chercher mes bouts de pain à la lumière d’une bougie comme le veut la tradition le vendredi soir ! Donc cette année, ce rituel est avancé au jeudi soir même si le seder est samedi… Voici donc ce que je vais réciter à cette occasion.

Bénédiction avant la recherche :

בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם אֲשֶׁר קִדְּשָׁנוּ בְּמִצְוֹתָיו וְצִוָּנוּ עַל בִּעוּר חָמֵץ.

Baroukh Atah Adonai Eloheinou Melekh Ha’olam Asher Kidshanu Bemitsvotav Vetsivanu Al Biour Hametz.

« Béni sois-Tu, Éternel notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par Tes commandements et nous as ordonné d’éliminer le Hametz. »

Déclaration après la recherche :

כָּל חֲמִירָא וַחֲמִיעָא דְּאִיכָּא בִרְשׁוּתִי דְּלָא חֲמִיתֵיהּ וּדְלָא בִיעַרְתֵיהּ לִבְטִיל וּלְהֶוֵי כַעֲפַרָא דְאַרְעָא.

Kol chamira vachamia d’ika birshouti d’la chamitei oud’la viartei, livtil v’lehevei ke’afra dé’ara.

« Tout levain ou aliment contenant du levain qui se trouve en ma possession, que je n’ai pas vu ou que je n’ai pas éliminé, est annulé et considéré comme la poussière de la terre. »

C’est parti ! Et sans surprise, tous mes petits bouts de pain cachés ont été retrouvés. Je les mets soigneusement dans un coin, sur un bout de papier ou de sopalin… jusqu’au lendemain matin.

Le vendredi matin avant 12h à Paris, je procède au Biour Hametz !

Je dois brûler mes petits bouts de pain et me débarrasser hors de ma maison des éventuels résidus.

Bénédiction avant la destruction :

בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם אֲשֶׁר קִדְּשָׁנוּ בְּמִצְוֹתָיו וְצִוָּנוּ עַל בִּעוּר חָמֵץ.

Baroukh Ata Adonai Eloheinou Melekh Ha’olam Asher Kidshanu Bemitsvotav Vetsivanu Al Biour Hametz.

« Béni sois-Tu, Éternel notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par Tes commandements et nous as ordonné de détruire le Hametz. »

Déclaration après la destruction :

כָּל חֲמִירָא וַחֲמִיעָא דְּאִיכָּא בִרְשׁוּתִי דַחֲמִיתֵיהּ וּדְלָא חֲמִיתֵיהּ דְבַעֲרֵתֵיהּ וּדְלָא בַעֲרֵתֵיהּ לִבְטִיל וּלְהֶוֵי הֶפְקֵר כַעֲפַרָא דְאַרְעָא.

Kol chamira vachamia d’ika birshouti dachamitei oud’la chamitei davartei oud’la viartei livtil véléhevei hefker ke’afra dé’ara.

« Tout levain ou aliment contenant du levain qui se trouve en ma possession, que j’ai vu ou que je n’ai pas vu, que j’ai éliminé ou que je n’ai pas éliminé, est annulé et considéré comme sans propriétaire, comme la poussière de la terre. »

Théoriquement il est possible de manger du ‘hametz jusqu’a samedi 10h40 à Paris mais parce que nous avons du brûler et annuler le ‘hametz dès vendredi, j arrêterai donc dès ce moment là (vendredi avant 12h à Paris) de manger ou d’acheter du ‘hametz .

Avant d’allumer mes bougies du Chabbat, j’allume aussi une bougie longue durée (7 jours) qui restera allumée de vendredi à lundi soir. Comme cela je pourrai aussi allumer mes bougies Yom Tov, etc ! Mais du coup, me voilà bien embêté pour mon Motzi de Chabbat !

Le Motzi de Chabbat sur de la matza achira

Heureusement, il y a une astuce ! On peut faire le Motzi de Chabbat sur de la matsa dite enrichie (par exemple matsa aux œufs ou au vin), en hébreu Matza Ashira! (1) Problème résolu et mon Chabbat se passe normalement. Il y a une autre « technique » qui permettrait de faire le Motzi avec du pain mais cela demanderait d’être très vigilant sur les miettes et donc c’est très contraignant.

Mon Chabbat se passe… À midi, j’ai refait le Motzi sur ma matsa enrichie et voilà bientôt la fin de la journée… Un nouveau problème surgit…

Ma soirée du Seder quand Chabbat tombe tard !

Comment organiser ma soirée du Seder quand Chabbat tombe tard (21H 30 à Paris) ? Dans nos synagogues progressistes, les offices de Yom Tov sont généralement organisés relativement tôt… mais mes invités et moi-même avons une approche plus traditionnelle. Dès lors, pour commencer mon seder avec Kiddouch et Havdala il faudrait que Chabbat soit fini ! Le risque est évident : en démarrant à 21H30 , mes plus jeunes invités risquent de piquer du nez avant même d’avoir goûté au Maror ou au Haroset !

Là encore une petite astuce existe qui concilie impératifs familiaux et observance… Cette année donc, je vais légèrement modifier l’ordre du seder en commençant non pas par « Kadesh », mais par une partie du « Maguid » (cinquième étape lors d’un seder habituellement).

Une partie de ce long passage peut être anticipée et nous permet d’avancer un peu dans le récit avant la fin de Chabbat. On commencera donc la soirée par lire la section débutant par « Autrefois nos ancêtres étaient idolâtres… » jusqu’au passage « Rabbi Gamliel enseignait : celui qui à Pessa’h ne mentionne pas… »(2). Cela inclut le très célèbre « Dayenou ». Si l’heure de sortie de Chabbat n’est toujours pas arrivée après avoir commenté cette lecture, on pourra également occuper les enfants en chantant les comptines finales de la Haggada telles que « Ehad Mi Yodea ».

L’ordre de la Torah est de raconter à ses enfants la sortie d’Egypte et ses enseignements , pas forcément lire l’Haggada ( texte bien plus tardif et composé de diverses sources à des époques différentes) de bout en bout ! Si j’ai de très jeunes enfants à table je peux aussi choisir tout simplement résumer ces passages et les expliquer avec mes mots et les commenter.

Quand enfin Chabat s’achève , je peux reprendre l’ordre normal du seder à partir de sa première étape Kadesh ! je déroule toutes les étapes et une fois que j’arrive au Maguid, il me suffit de « sauter »  les passages déjà lus en début de soirée… Et voilà !

 

Enfin lorsque l’heure de fin de Chabbat est arrivée...

On reprend le cours habituel du seder en commençant par « Kadesh », qui inclut le Kiddouch – Havdala. La question de l’allumage des bougies de Yom Tov n’a pas été évidente pour moi à résoudre. Il y a plusieurs usages et un petit casse-tête à résoudre. Je développe ici le problème si certains d’entre vous aime bien travailler la halakha lemaassé (la halakha pratique), pardon pour ceux à qui cela parle moins . Ils pourront toutefois voir ici le souci du détail et le sens de la logique de nos sages …

Bougie de la Havdala ? bougie de Yom tov… comment faire dans ce cas particulier ???

En temps normal, quand la sortie de Chabbat me ramène à la semaine profane, j’utilise pour faire la Havdala, une bougie tressée et des épices à respirer pour que leur bonne odeur nous console de la fin du Chabbat…

Mais là il s’agit de faire une Havdala kodech lékodech,  puisque Chabat s’achève et laisse place à Yom Tov. Plus besoin donc de faire la bénédiction sur les bessamim … Cela est assez simple et parfaitement indiqué dans les Haggadot… donc jusque-là aucune question à se poser. Là ou cela se complique c’est sur l’usage de la bougie tressé alors que nous tombons dans Yom Tov et aussi l’allumage des bougies de Yom Tov. Dans beaucoup de Haggadot, l’allumage des bougies de Yom Tov n’est pas indiqué et on enchaine direct sur « Sheeheyanou ».

Avec Yom Tov, je ne peux allumer le feu qu’à partir d’une flamme existante et cela seulement pour les besoins de la fête. Cela tombe bien j’ai prévu et j’ai toujours ma grande bougie longue durée allumée depuis le vendredi !

Le problème est qu’à Yom tov , je n’ai pas le droit d’éteindre un feu. Donc si j’allume ma longue bougie tressée, je ne pourrais plus l’éteindre… Et  je n’ai pas forcement le bougeoir adapté pour qu’elle se consume des heures sans que j’ai à la tenir !

Une des solutions est donc d’utiliser une simple petite bougie pour faire la Havdala et on la laissera s’éteindre par elle-même. Ensuite on allumera toujours à partir de la flamme existante de la bougie longue durée les bougies de Yom Tov en faisant la bénédiction. Puis seulement après on fera enfin Sheeheyanou et on reprendra le cours de notre seder.

En résumé

J’utilise comme unique source de feu pour les allumages la flamme de la bougie longue durée déjà allumée depuis vendredi avant Chabbat.

Je prends une simple petite bougie pour la Havdala et je la laisse s’éteindre par elle-même, sans la souffler ou la tremper.

Je fais une Havdala Kodesh lé Kodesh dont le texte figure à la partie Kadesh de toutes les haggadot.

J’allume après mes bougies de Yom Tov en faisant la bénédiction. Je les allume à partie de la flamme déjà existante (ma grande bougie longue durée).

Je dis sheereyanou (texte dans ma haggada, partie Kaddech à la fin).

Puis je passe à l’étape suivante dans l’ordre habituel du seder.

La soirée du Seder peut se continuer dans la joie et la bonne humeur.

Voilà comment je compte procéder en espérant que cela pourra être utile à certains d’entre vous.

Rabbin Ann-Gaëlle Attias

 

 

Sources :
1 – Pratique conforme à la Halakha. Voir Guide de Pessa’h 5785 de la Rabbinical Assembly
2 – Proposition originale figurant dans le guide de Pessa’h 5782 du rabbin Krygier, permettant de concilier besoin des familles et Halakha.