Communiqué : Raison garder

13 mai 2025

Par Jean-François Bensahel président de JEM suite à la publication du texte du Rabbin Delphine Horvilleur le 7 Mai dans Tenoua.

Je suis un libéral et je me battrai toujours pour que chacun puisse dire ce qu’il a à dire, même si je ne suis pas d’accord avec lui. Bien sûr je préférerai que les échanges soient partagés avec aménité et que, fidèlement à Lévinas, le judaïsme soit vraiment une religion d’adultes, mais ma méditation spinoziste ne me permet pas de douter de l’effet dévastateur des passions tristes, ni de me faire des illusions sur la violence tapie dans le cœur de la nature humaine et dont Delphine Horvilleur, notre rabbin, est ignoblement la victime. La haine gratuite, la sinat hinam, est le crime du judaïsme, puisque c’est elle qui a été responsable de la destruction du Temple. N’y succombons JAMAIS.

J’essaie d’être guidé dans mes pensées non pas par des options, mais par la seule recherche de la vérité, car le réel n’est ni de droite ni de gauche. Nous avons beaucoup échangé avec Delphine aujourd’hui pour lui témoigner notre soutien dans cette période, sans que ce soit un acquiescement à ses propos, notamment parce qu’Israël et son armée ne pouvaient pas être réduits à son gouvernement et aux propos abjects de certains de ses ministres. Elle m’a indiqué qu’elle allait préciser sa pensée dans un très beau texte que vous pouvez lire ici, prononcé en ouverture de l’atelier Tenoua du mercredi 13 mai sur le thème « Se reparler ».

Il y a quelques années examinant les évolutions démographiques dans la société israélienne, j’avais sur le ton de l’ironie demandé au président du CRIF, ce qu’il ferait vis-à-vis d’Israël quand celui-ci serait dirigé par un premier ministre d’une coalition d’extrême droite ? Il m’ avait regardé incrédule. Il ne pouvait imaginer que ce scénario fût possible et surtout qu’il entraînerait un risque de découplage entre Israël et la diaspora. Delphine Horvilleur dans son très beau texte a l’immense mérite de nous y faire réfléchir, et de porter le débat au niveau où il doit être.

C’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui. Des ministres suprémacistes juifs prêts à tout pour faire respecter la Bible comme un cadastre et reconquérir les territoires perdus depuis 3000 ans, et pour anéantir tous ceux qui s’y opposent à leurs sinistres espérances, des juifs considérés comme hérétiques dès lors qu’ils ne partagent pas leurs points de vue, et notamment, mais pas seulement, les juifs réformés – et c’est sans hasard de calendrier que deux synagogues réformées à Netanya et Ra’ananna ont été vandalisées il y a quelques jours – une logique de démantèlement de l’état de droit et des libertés individuelles, de remise en cause de la séparation de pouvoirs, dans l’optique d’un pouvoir à vie de l’actuel locataire, etc, menacent de transformer radicalement le rêve sioniste en cauchemar et de créer les conditions d’un découplage entre la diaspora et Israël.

Arrêtons de baguenauder. L’heure est grave en Israël.

Mais la conduite de la guerre est une autre affaire. La guerre est l’épreuve inhumaine par excellence, celle qui suspend toute morale. Nous le savons bien nous Français, nous européens, depuis Napoléon qui a inventé la guerre totale dont les populations sont les premières cibles. Guernica, Dresde, Hiroshima, Grozny, Alep, Mossoul, etc, etc, vous vous rappelez ? La guerre ne s’arrête que quand le mouvement est devenu impossible et que les forces ennemies s’ébrouent de chaque côté d’une ligne de front. Tant qu’il y a du mouvement, la guerre est en mouvement, logique implacable des rapports de force jusqu’à ce que l’un des belligérants mette un genou à terre. Le Hamas qui l’a déclenchée de la plus barbare des manières et qui aurait pu cesser il y a bien longtemps, si l’ensemble des otages avait été libéré, est en train de la perdre. S’il libérait maintenant les 58 otages dont 20 encore présumés en vie, elle cesserait immédiatement et même, ce qui est unique, il obtiendrait un sauf conduit pour ses chefs. Est-il nécessaire de rappeler que Tsahal est la seule armée à prévenir les populations de frappes imminentes ?

Tant que le Hamas ne le voudra pas, Israël, comme n’importe quel État poussera son avantage, malgré ses morts quotidiens, malgré ses familles endeuillées, ces traumatismes qui hanteront des générations d’israéliens à venir, quand bien même d’autres possibilités d’une paix plus précoce s’offriraient à lui. Hélas, nous savons la loi de la guerre, tous les blâmes n’y changeront rien. Une guerre déclarée n’est qu’une boîte de Pandore que l’on ouvre et qui ne s’achève que lorsque que celle-ci s’est vidée et qu’il n’y a plus de combattants. Dura lex sed lex.

Golda Meir en son temps avait eu cette phrase glaçante de vérité : « nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tué nos enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous avoir obligés à tuer les leurs« .  Logique horrible de la guerre.

Prions pour que vite viennent le temps de la paix, la célébration de la vie, et le retour de la raison ici en France, là-bas en Israël.


Jean-François Bensahel

Président de JEM